Observateur de la e-santé depuis près de 20 ans, je constate un décalage de plus en plus grand entre les grandes communications des acteurs de santé et la réalité du terrain avec notamment la disparition de certaines start up emblématiques. Décryptage.
Depuis plusieurs semaines, les redressements judiciaires se multiplient dans la French Tech, notamment en raison de la crise des financements et l’absence de véritables modèles économiques pérennes. Le secteur de la santé n’échappe pas à cette tendance.
Au cours de cet été, Bioserenity, fondée en 2014 au sein de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM) à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP, Paris) et spécialisée dans les dispositifs médicaux connectés, a été placé en redressement judiciaire. Même sort pour la start-up strasbourgeoise Defymed, spécialisée dans les dispositifs médicaux implantables, qui a déposé le bilan.
Dernier exemple en date : Babylon health, qui a souvent été cité en exemple par les acteurs de la e-santé européens, qui est placée sous administration judiciaire et est contrainte de vendre son activité de services cliniques à eMed Healthcare.
Le tarissement des investissements est une explication mais pas seulement. Combien de start-ups ont un véritable modèle économique permettant une croissance pérenne ? Je ne vous dirai pas combien de fois j’ai entendu des entrepreneurs assénés que leur modèle était basé sur l’unique investissement des industriels…
Au-delà de ces aspects économiques, le cadre réglementaire et juridique n’est pas propice à l’accès au marché et au développement de toutes ces solutions pour la plupart prometteuses. Un entrepreneur passe une grande partie de son temps à répondre aux exigences réglementaires plutôt qu’à développer ses solutions et son business. Evidemment, un cadre réglementaire est indispensable pour garantir la véracité des informations, la sécurité des données etc, mais les process manquent de souplesse et sont chronophages…
La crise sanitaire a mis en lumière la e-santé et certaines solutions qui ont permis de traverser cette période mais cela a également engendré l’arrivée de nombreux entrepreneurs et investisseurs voyant dans la santé un marché porteur. De nombreuses start-up se sont ainsi confrontées aux exigences réglementaires du secteur et à la cartographie complexe des acteurs de santé, précipitant leur fin de parcours.
Dernier point important : tous ces acteurs se confrontent à une véritable crise des usages aussi bien du côté des professionnels de santé que des patients. Ce sujet est au coeur de la nouvelle feuille de route du numérique en santé mais les efforts seront-ils suffisants ? En discutant régulièrement avec des praticiens, peu d’entre eux utilisent le DMP ou autres solutions numériques promues en mettant en avant un manque cruel d’information et surtout de formation. Même constat côté patient où malgré les efforts de communications, Mon Espace Santé reste encore méconnu par de nombreux Français et surtout très peu utilisé. Ce manque d’usage impacte directement la pérennité de toutes ces start-up centrées sur la pratique médicale ou la prise en charge des patients.
Et je ne rentre pas dans le détails d’autres sujets comme l’illectronisme, la littératie en santé, les déserts médicaux et numériques ou la véritable expérience patient.
Je ne prétends pas avoir des solutions pour ces constats posés mais en temps qu’observateur assidu, il me semblait important de pointer ces problématiques et de sortir un peu de l’angélisme des communicants… Ces quelques lignes ne plairont pas à tout le monde mais le débat est ouvert !
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.