Accueil A la une L’e-santé comme remède aux addictions

L’e-santé comme remède aux addictions

par Rémy Teston

Le Fonds Actions Addictions a remis à la MILDECA son rapport « Addictions : la révolution de l’e-Santé », qui fait la promotion de l’e-Santé pour la prévention, le repérage, le diagnostic et la prise en charge des addictions. Présentation.

Les conduites addictives constituent un défi majeur pour notre société nécessitant une forte mobilisation de tous les acteurs à travers un discours de vérité, adossé à des données scientifiques solides. La lutte contre les drogues et les conduites addictives doit s’harmoniser avec les nouvelles technologies : l’expérience accumulée, les développements récents de l’informatique (IA, Big Data, etc.) ou encore l’avènement de la santé mobile modifient profondément le paysage.

Beaucoup de Français font un usage quotidien de produits psychoactifs — 13 millions du tabac, 5 millions de l’alcool, 700 000 du cannabis. D’autres y ont recours plus occasionnellement. A 17 ans, de nombreux adolescents ont expérimenté ces trois produits et certains s’installent dans un usage régulier. Près de la moitié d’entre eux reconnait un épisode d’alcoolisation ponctuelle importante (« binge drinking ») au cours du mois précédent.

Le « Treatment Gap » des addictions en France

Face aux besoins et à la demande de prévention, de soins, d’accompagnement et de réduction des risques, l’offre actuelle, pourtant diverse et composée de professionnels compétents et engagés, ne suffit plus. C’est ce que l’on appelle le « Treatment Gap » qui définit l’écart entre le nombre de personnes souffrant d’addiction et le nombre de patients traités.

En France, moins de 20% des personnes présentant un trouble de l’usage de substances bénéficient d’un traitement, qu’il s’agisse des fumeurs, des consommateurs problématiques d’alcool ou de drogues illicites. Les pathologies addictives sont, parmi les pathologies psychiatriques, celles qui ont les taux de « Treatment Gap » les plus élevés dans la plupart des pays.

Or, un recours aux soins trop tardif contribue à l’aggravation des troubles et à l’installation de difficultés de tous ordres : complications somatiques, troubles psychologiques et psychiatriques, désinsertion sociale et professionnelle, dégradation financière.

L’e-Santé : un énorme potentiel pour améliorer la prise en charge des addictions

Dans ce contexte, Nicolas Prisse, Président de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) a confié, fin 2018, au Professeur Michel Reynaud, président du Fonds Actions Addictions, et au Docteur Jean-Pierre Thierry, conseiller e-Santé du fonds, la mission de proposer un panorama et une première analyse des bénéfices attendus de l’e-Santé pour les personnes souffrant d’addiction.

Ces résultats ont été présentés le 14 mai dans le cadre d’une demi-journée d’échanges à la MILDECA, réunissant parlementaires, addictologues et professionnels de santé, associations de patients et acteurs institutionnels de la santé.

Pour les auteurs du rapport, les outils numériques offrent de nouvelles opportunités pour l’accompagnement des patients et peuvent facilement permettre un saut qualitatif dans la prévention et la prise en charge des addictions.

L’e-Santé permet ainsi de répondre à de nouveaux enjeux, notamment en matière de démocratie sanitaire, en mobilisant plus efficacement de nouveaux acteurs (tels que les associations de patients, les patients-experts, les psychologues, les préventeurs, etc.) et peut également être une réponse précieuse aux problématiques d’aménagement du territoire en matière d’accès aux soins.

La recherche clinique, la prévention, le repérage initial, la prise en charge et l’accompagnement des personnes souffrant d’addictions doivent miser sur une utilisation adaptée des technologies de l’information et de la communication. Les technologies numériques permettent de mobiliser plus efficacement de nouveaux acteurs (tels les associations de patients, les patients experts, les psychologues, les préventeurs, etc.).

« Les technologies numériques doivent faciliter également les parcours de soins, actuellement peu cohérents et comportant de nombreux points de rupture. Les technologies numériques permettent aux consommateurs de s’évaluer et de se traiter avec des dispositifs médicaux efficaces. La transformation numérique rapide de notre société peut facilement s’appliquer à la prévention et à la prise en charge des addictions et permettre un saut qualitatif rapide dans la prévention et la prise en charge de pathologies insuffisamment traitées à l’heure actuelle.

L’intégration numérique correspond à une approche moderne et efficace de l’addictologie : après la période de lutte contre les fléaux sociaux dans les années 90, puis celle d’un abord médical et scientifique des addictions dans les années 2000, elle correspond à la période actuelle qui positionne les patients en tant qu’acteurs et intègre la démocratie sanitaire.

L’expérience disponible au niveau international et en France permet de disposer d’un niveau de preuve suffisant pour justifier le déploiement de solutions telles que les réseaux communautaires et sociaux, la téléconsultation et la télémédecine, l’aide téléphonique, les applications mobiles, certains objets connectés « compagnons ». Les agents conversationnels (chatbot), les jeux sérieux et la réalité virtuelle font l’objet de recherches plus récentes et leur efficacité en vie réelle doit être mieux établie.

Le Big Data et l’Intelligence Artificielle (IA) jouent déjà un rôle majeur dans la redéfinition des pratiques de recherche clinique et en santé publique dans les addictions. L’étude des troubles comportementaux dans les addictions et en santé mentale sera révolutionnée par l’IA appliquée aux données générées par les smartphones sous forme passive (les données caractérisant les usages du smartphone et les comportements couplés ou non à la géolocalisation) ou active (échanges multimédia, questionnaires). »

Ce rapport souligne notamment que « le smartphone doit désormais être considéré comme le vecteur privilégié pour l’adoption des services et solutions de l’e-Santé dans le champ des addictions. Comme pour d’autres maladies chroniques, mais plus particulièrement dans le champ des addictions et de la santé mentale, le smartphone a changé la donne et justifie un véritable « retournement » de l’approche traditionnelle. Pour l’utilisateur, le smartphone est en effet une plateforme d’intégration des différents services et solutions offertes actuellement et à l’avenir par l’e-Santé.

Partir de la perspective usager/patient tenant compte de la disponibilité du smartphone permet d’établir des priorités fondées sur l’analyse des usages, et tenant compte de la maturité des solutions et des niveaux de preuve caractérisant leur efficacité. L’internet et la mobilité devraient permettre d’améliorer l’offre de soins et de toucher un plus grand nombre de personnes et de diminuer le « treatment gap ».

Il s’agit également désormais de communiquer mieux afin d’informer, surtout les plus jeunes, afin de ne pas laisser le champ libre à la promotion et la vente de substances addictives grâce aux applications mobiles utilisées actuellement par le plus grand nombre. Ainsi, les réseaux communautaires ressortent comme l’un des moyens à privilégier, dans un premier temps, pour améliorer la prévention et amener les personnes les plus à risque à rechercher les soins adaptés. »

10 recommandations pour un plan e-santé dans les addictions

Ce rapport « Addictions : la révolution de l’e-Santé » met en avant 10 recommandations pour développer l’e-santé dans la lutte contre les addictions :

  1.  Créer une « Task force » Addictions et e-Santé
  2. Accélérer le développement de plateformes nationales et régionales comprenant des informations, des outils d’évaluation et des espaces communautaires interactifs (site Web et applications traitant des données non-nominatives) y compris pour les entreprises et les mutuelles. Former et recruter des préventeurs, psychologues et patients experts pour l’animation de services en ligne (site web de niveau 2, applications mobiles, communautés de pairs et forum ayant à traiter des données nominatives ou à risque de réidentification).
  3. Encourager le développement de contenus s’adressant aux adolescents et jeunes adultes en associant des jeunes formés dans la réduction des risques et des dommages (site web de niveau 1 et 2, applications mobiles, communauté de pairs et forum). Capitaliser sur les initiatives et réalisations existantes (ex : Fil santé jeune, Avenir Santé, Plus belle la nuit…).
  4. Définir un cadre pour le développement, la sélection et l’intégration d’applications mobiles dédiées afin de créer une bibliothèque d’applications validées et de référence à disposition des promoteurs de plateformes et de solutions numériques.
  5. En relation avec la CNAMTS et les différentes parties prenantes, étudier les conditions de développement des prises en charge en addictologie grâce à une nouvelle tarification des échanges à distances avec des psychologues et des patients experts.
  6. Inciter au développement des téléconsultations dans les addictions et reconnaître une ALD pour les addictions sévères. Développer des plateformes (niveau 3) pour la prise en charge médicalisée, la gestion des données nominatives et recours à des applications et objets connectés et définir les conditions d’usages du DMP et du futur Espace Numérique de Santé pour l’amélioration de la prévention, du repérage et de la prise en charge des addictions (tabac et alcool).
  7. Identifier deux ou trois régions sanitaires pilotes pour l’expérimentation d’une intégration territoriale de la e-Santé pour l’amélioration de la qualité de la coordination des soins et du parcours des patients bénéficiant de l’appui des GRADeS – Groupement Régional d’Appui au Développement de la e-Santé (Plateforme de niveau 4 : télésanté, parcours de soins, dossier de coordination, gestion des rendez-vous, gestion des objets connectés)
  8. Favoriser le développement et la reconnaissance du rôle des patients experts pour l’information des aidants, l’éducation thérapeutique et l’animation des plateformes et solutions intégrées spécialisées dans les addictions.
  9. Créer un observatoire des stratégies de communication numérique susceptibles de favoriser les conduites addictives et ciblant notamment les plus jeunes. Cet observatoire sera également chargé de coordonner les stratégies numériques susceptibles de contrer ces incitations.
  10. Favoriser la recherche dans le domaine des addictions reposant sur l’analyse des données populationnelle et comportementales (en relation avec le Health Data Hub). Favoriser le développement de la recherche dans le cadre des Instituts interdisciplinaires d’intelligence artificielle (3IA) en tenant compte du potentiel de la santé mobile, des chatbots, des jeux sérieux et de la réalité virtuelle.

Pour consulter l’intégralité du rapport, cliquez ici >

Source : Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA)

Vous pouvez également aimer

-
00:00
00:00
Update Required Flash plugin
-
00:00
00:00
Aller au contenu principal