Accueil A la uneNumérique en santé : les 10 tendances majeures à suivre en 2026

Numérique en santé : les 10 tendances majeures à suivre en 2026

par Rémy Teston

Comme chaque année, je vous propose de se projeter en décryptant les 10 tendances structurantes  (non exhaustives) à surveiller dans le numérique en santé en 2026. 

Alors que la transformation digitale du système de santé s’accélère, l’année 2026 s’annonce comme un tournant stratégique. De l’essor de l’IA générative à l’entrée en vigueur de nouvelles réglementations européennes, en passant par la montée en puissance des dispositifs connectés, les usages se professionnalisent, les attentes évoluent, et les enjeux éthiques deviennent centraux.


1.  L’IA générative intégrée dans les pratiques cliniques

L’intelligence artificielle générative franchit une nouvelle étape : son intégration opérationnelle dans les logiciels médicaux, que cela soit en médecine de ville ou dans les établissements hospitaliers. Elle s’intègre de façon concrète dans le quotidien des professionnels de santé. Elle devient un assistant numérique clinique, capable de faire gagner un temps précieux tout en renforçant la qualité documentaire et la personnalisation du soin.

En 2026, on observera une accélération des usages sur des points opérationnels :

  • Rédaction automatisée des comptes rendus médicaux, à partir de l’enregistrement audio d’une consultation ou d’un échange entre praticiens
  • Résumés dynamiques de dossiers complexes pour faciliter la prise de décision, notamment en oncologie ou en gériatrie
  • Préparation de lettres adressées aux confrères, aux patients ou aux institutions, conformes aux normes et personnalisées
  • Aide à la formulation de diagnostics différentiels ou à l’identification de parcours thérapeutiques fondés sur des guidelines actualisées et adaptées au profil du patient.

Des enjeux persisteront comme la transparence, traçabilité, validation clinique des contenus générés. L’IA générative ne remplace pas le clinicien, mais lui offre des capacités augmentées d’analyse, de synthèse et de production, dans un souci de pertinence, d’efficience et de temps médical retrouvé.


2. La santé connectée portée par les wearables nouvelle génération

En 2026, les dispositifs connectés portés en continu, principalement les montres et les bagues intelligentes, franchiront un cap décisif : ils ne sont plus de simples gadgets de bien-être, mais des dispositifs médicaux reconnus, utilisés en prévention, en suivi, voire en détection précoce de pathologies.

Des montres connectées de nouvelle génération intègreront des capteurs avancés, validés cliniquement, avec des usages en cardiologie, diabétologie, sommeil, santé mentale. Parmi les évolutions, la transmission directe des données aux professionnels via des plateformes interopérables, avec alertes intégrées deviendra la norme.

Les bagues connectées, , discrètes, portées en continu, offrant un suivi précis du sommeil, de la température corporelle et de la récupération, avec des alertes prédictives. Après l’essor en 2025, ce marché va continuer de croître grâce aux nouveaux capteurs permettant de suivre le sommeil, la température corporelle, le stress, les cycles hormonaux. Elles seront utilisées en santé féminine, pour le récupération post-opératoire ou la détection de signes précoces de maladie virale.

Ces wearables, associés à des algorithmes de détection et à des professionnels formés, deviennent des outils de médecine préventive individualisée. L’enjeu : valider cliniquement les données produites et garantir leur intégration sécurisée dans les parcours de soins. Ils ouvrent la voie à une médecine préventive, personnalisée et en continu, en particulier pour les maladies chroniques et la santé mentale.


3. Agents conversationnels et chatbots santé spécialisés

En 2026, les agents conversationnels en santé atteigneront une nouvelle maturité. Exit les assistants génériques peu fiables : place à des solutions spécialisées, entraînées sur des corpus médicaux validés, intégrées aux environnements de soins et soumises à des règles éthiques strictes.

Grâce aux progrès du traitement du langage naturel (NLP), les agents conversationnels en santé deviennent plus fiables, pertinents et personnalisés. En plein essor en 2025, ils vont se généraliser et seront notamment utilisés pour :

  • le pré-tri médical (guidage symptomatique avant consultation)
  • le suivi post-opératoire ou post-consultation (notifications, rappels, conseils)
  • l’accompagnement thérapeutique (éducation, observance, santé mentale)
  • le tri de l’information médicale et la lutte contre la désinformation

Des modèles validés par des autorités de santé ou des hôpitaux voient le jour, avec un accent mis sur l’éthique, la supervision humaine et la confidentialité. Les agents conversationnels deviennent des outils de fluidification du parcours, sans remplacer l’interaction humaine, mais en optimisant le temps médical et la qualité de l’accompagnement.


4. Médecine personnalisée et jumeaux numériques

Le jumeau numérique d’un patient repose sur une modélisation dynamique, personnalisée, de ses données biologiques, comportementales, cliniques et génétiques. En 2026, ce concept devient opérationnel dans certaines pathologies ciblées et au sein de centres experts et de plus en plus d’établissements de pointe, notamment dans les centres hospitaliers déploient des structures d’innovation.

On observe de multiples applications concrètes :

  • Simulation d’évolution de maladies chroniques (diabète, insuffisance cardiaque, maladies neurodégénératives) en fonction de différents scénarios thérapeutiques
  • Essais in silico : évaluation de l’efficacité potentielle d’un traitement personnalisé avant de le prescrire
  • Optimisation du parcours chirurgical (prévision de complications, ajustement du protocole anesthésique)
  • Santé publique personnalisée : modélisation des effets populationnels d’un traitement ou d’un programme de prévention

Plusieurs conditions de déploiement sont indispensables comme le recueil et la structuration de données multisources (capteurs, imagerie, analyses, génomique…), la puissance de calcul grâce au cloud haute performance (HPC) et un encadrement éthique : consentement éclairé, explicabilité des modèles, respect des biais et des disparités.

Le jumeau numérique est l’une des promesses les plus avancées de la médecine 5P (prédictive, personnalisée, préventive, participative, preuve), mais nécessite un écosystème technologique, réglementaire et clinique robuste pour se généraliser.


5. Hôpital numérique : vers un système interopérable et piloté par les données

En 2026, l’hôpital entrera pleinement dans une ère de maturité numérique. Après des années de modernisation hétérogène des systèmes d’information, les établissements de santé adoptent une approche systémique et intégrée de la transformation digitale.

Les piliers de l’hôpital numérique en 2026 :

  • Interopérabilité des systèmes : les SI hospitaliers ne sont plus des silos. Les données circulent entre logiciels métiers (PMSI, RIS, LIS, DPI), entre établissements, et avec la médecine de ville, grâce à la généralisation des standards HL7 FHIR et à l’extension du Dossier Médical Partagé (DMP).
  • Pilotage par les données : les directions hospitalières s’appuient sur des dashboards temps réel pour suivre les flux patients, la gestion des lits, ou les indicateurs de performance clinique. L’analyse prédictive anticipe les pics d’activité, les réadmissions ou les risques de rupture.
  • IA dans les services cliniques : les outils d’intelligence artificielle sont intégrés dans l’aide à l’interprétation d’imagerie, le tri des urgences, la priorisation des examens ou encore l’optimisation des prescriptions. Les cas d’usage ne sont plus expérimentaux, mais industrialisés à l’échelle de l’établissement.
  • Numérisation du parcours patient : préadmission en ligne, signature électronique des consentements, suivi post-hospitalisation à distance, téléconsultation intégrée… L’hôpital devient un point nodal d’un parcours fluide et connecté.

L’enjeu en 2026 : ne plus seulement numériser les outils, mais transformer les pratiques. Cela suppose un accompagnement au changement, un pilotage stratégique du numérique hospitalier et une gouvernance pluriprofessionnelle, intégrant soignants, DSI et directions générales.


6. Cybersécurité et souveraineté : un impératif vital

Avec l’explosion des données produites et stockées dans les systèmes de santé, la cybersécurité est devenue un enjeu vital.  Les attaques visant les hôpitaux, laboratoires ou start-up e-santé se sont multipliées : ransomwares, vols de données sensibles, blocages d’activité… En 2025, selon l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité (ENISA), le secteur santé a été l’un des plus ciblés par les cybercriminels.

Pour répondre à cette problématique, plusieurs solutions ont été initiés en 2025 et se poursuivront en 2026 :

  • Plans de cybersécurité hospitaliers renforcés : segmentation réseau, gestion des accès, SOC mutualisés, audits de sécurité systématiques ;
  • Déploiement de solutions certifiées et hébergement en cloud de confiance, souvent via des acteurs européens conformes au label SecNumCloud et à la certification HDS (Hébergement de Données de Santé) ;
  • Montée en compétence des équipes avec des référents cybersécurité dans les établissements et la diffusion d’une culture cyber auprès des soignants (sensibilisation au phishing, protocoles de signalement…).

Au-delà de la cybersécurité technique, c’est toute la question de la souveraineté numérique qui prend de l’ampleur. L’enjeu : garantir que les solutions de e-santé utilisées en France soient développées, hébergées et gouvernées dans un cadre européen. En 2026, les pouvoirs publics et les acteurs de santé intègrent la cybersécurité by design comme critère de sélection des solutions. Confiance, conformité et résilience deviennent des éléments aussi stratégiques que la performance clinique.


7.  Levées de fonds : la chasse au financement devient stratégique

Après l’euphorie post-Covid et les vagues d’investissement dans la healthtech, 2026 marquera une période de sélectivité renforcée dans le financement des start-up en santé. Le contexte économique (inflation persistante, durcissement monétaire, prudence des investisseurs) pousse les start-up à repenser leur stratégie de financement.  On observera :

  • un recul des méga-levées au profit de tours de table plus ciblés
  • une attente accrue de preuves de traction clinique et économique (valeur prouvée, usage réel, intégration dans les parcours)
  • une montée des financements alternatifs : subventions européennes, appels à projets, partenariats avec des hôpitaux ou industriels.

Pour exister, les jeunes pousses doivent combiner maturité technologique, impact clinique démontré et modèle économique solide. Les investisseurs misent désormais sur des projets alignés avec les enjeux de souveraineté, d’interopérabilité et d’éthique.


8. Compétences numériques : former les soignants, structurer les équipes

Le développement du numérique en santé fait émerger de nouveaux besoins en compétences chez les professionnels de santé. En 2026, la maîtrise des outils numériques, la compréhension des enjeux de l’IA, de la cybersécurité, de l’éthique des données ou encore de l’interopérabilité deviendront des savoirs fondamentaux.

Des évolutions ont été observées ces derniers mois comme l’intégration du numérique dans la formation initiale. Les facultés de médecine, de pharmacie et les instituts de formation paramédicaux ont intégré des modules sur l’éthique de l’IA, la gestion des données, l’utilisation des dispositifs médicaux numériques ou des outils connectés.

La formation des soignants, l’acculturation des équipes et la montée des compétences numériques seront une priorité.  Cette montée en puissance du numérique en santé impose une transformation des compétences :

  • Intégration de modules d’éthique, data science et IA dans les cursus médicaux
  • Déploiement de formations continues pour tous les professionnels de santé
  • Création de nouveaux rôles hybrides : Chief Medical Information Officer (CMIO), infirmier numérique…

Au-delà de cela, les enjeux tourneront autour de la sensibilisation au bon usage des outils numériques, au-delà de la simple technique, d’une acculturation éthique et responsable et d’une adoption terrain par la proximité et la pédagogie. La transformation digitale du système de santé ne pourra réussir sans une évolution parallèle des compétences humaines, avec une approche transversale et interprofessionnelle. La culture numérique devient un prérequis incontournable pour pratiquer une médecine moderne et sécurisée.


9. Empowerment du patient : autonomie et co-décision

La transformation numérique du système de santé s’accompagne d’un changement profond dans la relation entre patients et professionnels : l’émergence d’un patient acteur de sa santé, informé, connecté et impliqué. Ce mouvement, initié depuis plusieurs années, prend une nouvelle dimension grâce à des outils numériques de plus en plus accessibles, personnalisés et intégrés dans le quotidien des soins.

L’empowerment du patient ne se limite plus à la simple consultation de son dossier médical ou à la prise de rendez-vous en ligne. Il s’incarne désormais dans la capacité du patient à comprendre ses données de santé, à prendre des décisions éclairées avec ses soignants, à suivre l’évolution de sa pathologie en temps réel, et à agir sur sa santé de manière proactive. Grâce à la généralisation des plateformes de suivi, aux applications mobiles d’éducation thérapeutique, aux objets connectés ou encore aux services de télésuivi, les patients accèdent à des informations contextualisées, claires, et adaptées à leur profil. Ils peuvent suivre leurs constantes, surveiller leur traitement, recevoir des rappels personnalisés, ou encore ajuster leur mode de vie avec l’aide d’un coach numérique ou d’un professionnel.

Cet empowerment numérique ne va pas sans vigilance. Il suppose de garantir la qualité des informations accessibles, de préserver la confidentialité des données partagées, et de s’assurer que les outils mis à disposition renforcent réellement l’autonomie sans créer d’injonction à la performance ou de culpabilisation en cas de non-suivi. Le rôle de médiation et de pédagogie du professionnel de santé reste central, tout comme l’accompagnement des patients dans l’appropriation de ces technologies.

En 2026, l’empowerment du patient ne sera plus une tendance émergente, mais une évolution structurelle du système de santé. Il redéfinit les équilibres entre usagers et professionnels, encourage une médecine plus personnalisée, et renforce l’efficacité des parcours, à condition de rester centré sur les besoins, les capacités et les aspirations de chacun.


10.  Inclusion numérique : garantir l’accès pour tous

Si le numérique en santé progresse rapidement, il risque aussi de creuser des inégalités s’il n’est pas pensé de manière inclusive. La fracture numérique (sociale, territoriale ou générationnelle) reste une réalité. La santé digitale doit donc intégrer l’inclusion numérique comme critère de conception et d’évaluation.

Plusieurs problématiques sont identifiées :

  • Difficulté d’accès aux services numériques pour certains publics : personnes âgées, en situation de handicap, précaires, ou résidant en zones blanches
  • Interfaces parfois complexes, peu ergonomiques ou non adaptées à des usages diversifiés
  • Risque de non-recours aux soins pour des patients qui n’arrivent pas à s’approprier les outils numériques.

Face à ce constat, les acteurs publics, les établissements de santé, les start-up et les collectivités territoriales ont progressivement intégré l’inclusion numérique comme un critère essentiel de leurs projets. De nombreux dispositifs voient le jour pour accompagner les publics les plus éloignés du digital : mise en place de médiateurs en santé numérique dans les hôpitaux et les centres de santé, déploiement de guichets d’aide dans les territoires, conception d’applications mobiles plus simples, plus lisibles, et adaptées aux besoins spécifiques des usagers.

L’inclusion passe aussi par une nouvelle manière de concevoir les outils eux-mêmes. Le design devient plus intuitif, les interfaces sont pensées pour être accessibles aux malvoyants, aux personnes peu à l’aise avec la lecture, ou encore aux non-francophones. L’objectif est clair : ne plus penser la santé numérique uniquement pour les « usagers experts », mais pour tous les citoyens, quels que soient leur âge, leur niveau d’autonomie ou leur contexte social.

En parallèle, les politiques publiques s’emparent du sujet. Les appels à projets intègrent désormais des critères d’accessibilité et d’équité d’usage. Les autorités sanitaires encouragent les industriels et les start-up à travailler main dans la main avec les patients, les aidants, les associations et les professionnels de terrain pour créer des solutions réellement inclusives. Car au-delà de l’innovation technologique, c’est bien la capacité du numérique à ne laisser personne de côté qui déterminera sa réussite.

En 2026, l’inclusion numérique ne sera plus une option : elle deviendra une condition indispensable pour bâtir une e-santé juste, responsable et durable.

Vous pouvez également aimer

-
00:00
00:00
Update Required Flash plugin
-
00:00
00:00