Accueil A la une HealthTech françaises : un écosystème innovant… mais financièrement sous pression

HealthTech françaises : un écosystème innovant… mais financièrement sous pression

par Rémy Teston

France Biotech a dévoilé fin septembre son étude annuelle sur la situation financière des entreprises HealthTech en France qui confirme la forte pression financière pesant sur la filière. Décryptage.

La rentrée 2025 de France Biotech sonne comme un rappel à la réalité : malgré des réussites visibles et une activité d’innovation soutenue, la filière HealthTech évolue sur une ligne de crête financière. L’étude annuelle publiée fin septembre met en lumière un secteur « résilient mais fragile », touché par l’allongement des délais de financement, la contraction des cash-flows et la montée des incertitudes macroéconomiques. L’association appelle à un sursaut coordonné autour d’un « Grenelle du financement » et d’un plan d’accélération de l’innovation pour transformer l’excellence scientifique en succès industriels au bénéfice des patients.

Le diagnostic chiffré est sans ambiguïté. En juillet 2025, 89 % des entreprises interrogées se déclaraient impactées par le contexte économique et politique, une proportion inchangée par rapport à 2024 mais qui grimpe à 93 % pour les acteurs de la santé numérique. Surtout, 72 % des répondants faisaient état de difficultés de trésorerie, contre 63 % un an plus tôt, et 29 % n’avaient plus que trois mois de cash ou moins. La situation est particulièrement tendue pour les biotechs, dont 32 % affichent un horizon de trésorerie inférieur ou égal à trois mois, tandis que la pression s’accentue chez les medtechs (26 % contre 15 % en 2024). La médiane de trésorerie se situe désormais à six mois.

Dans ce contexte, la quête de capitaux devient structurante : 70 % des entreprises sont en levée ou prévoient de lever des fonds dans les six prochains mois, et 79 % disent rencontrer des difficultés de financement. Le temps joue contre elles : onze mois de recherche en moyenne, un délai que 79 % jugent pénalisant pour leurs activités de R&D et l’atteinte de jalons conditionnant d’autres financements. Les banques ne constituent pas une soupape évidente : 68 % des sociétés déclarent des difficultés d’accès au crédit, en hausse par rapport à 2024.

L’appui public amortit partiellement le choc. Les deux tiers des sociétés ont obtenu au cours des douze derniers mois un financement non dilutif de Bpifrance, de l’Europe ou d’autres institutions, même si l’effort de montage est jugé de plus en plus lourd au regard de l’urgence de trésorerie. Le Crédit Impôt Recherche demeure la clé de voûte : 87 % des entreprises y recourent, pour une contribution moyenne située entre 20 et 30 % des dépenses d’exploitation ; deux tiers ont demandé le remboursement anticipé du CIR 2024 et 72 % l’ont obtenu, en hausse nette versus 2024. Le statut de Jeune Entreprise Innovante reste un pilier d’attractivité : 56 % en bénéficient, 40 % le jugent vital et 85 % estiment que toute remise en cause nuirait à l’attractivité de la France. À l’inverse, la suppression du bonus « jeune docteur » dans le CIR est perçue comme un coup dur, avec des renoncements au recrutement cités comme premier impact.

Pour France Biotech, le message est double : préserver un cadre stable et lisible, et inventer de nouveaux leviers pour sécuriser les trajectoires. Sur le premier volet, l’association plaide pour la continuité des dispositifs phares (CIR, JEI) et une stabilité fiscale et réglementaire qui donne de la visibilité aux investisseurs comme aux entrepreneurs. Sur le second, elle convoque mi-octobre un « Grenelle du financement » pour mobiliser l’épargne, élargir les instruments d’investissement et attirer davantage de capitaux industriels, tout en travaillant à un plan d’accélération visant la recherche clinique, l’ancrage industriel et un accès plus rapide des innovations aux patients. Un livre blanc assorti d’indicateurs opérationnels doit nourrir l’agenda des décideurs à l’horizon 2027.

Ce tableau macro ne doit pas masquer les signaux positifs. Des levées significatives et des partenariats structurants ont jalonné les derniers mois, de la biotech aux medtechs en passant par l’IA et la robotique, rappelant l’attractivité scientifique et entrepreneuriale du pays. Mais ces succès restent encore trop isolés pour compenser l’effet ciseau entre besoins de cash croissants et conditions de marché plus exigeantes. L’enjeu, désormais, est de faire masse : rapprocher chercheurs et industriels, sécuriser des tours plus rapides, diversifier les sources de financement, et objectiver la création de valeur clinique et médico-économique pour convaincre payeurs et marchés.

Si la HealthTech française veut franchir un cap, elle devra conjuguer trois exigences sans en sacrifier aucune : continuité des soutiens publics devenus systémiques, montée en puissance des capitaux privés patient et industriels, et démonstration rigoureuse de bénéfices cliniques et économiques. C’est à ce prix que la filière passera de la résistance à l’accélération, et que les innovations parviendront plus vite, et à grande échelle, jusqu’aux patients.

 

Source : France Biotech

 

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