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Chronique : Plongée dans le monde des organoïdes

par Rémy Teston

Après avoir présenté il y a plusieurs semaines les enjeux et apports du bioprinting, partons à la découverte d’une autre technique innovante au niveau de la recherche : les organoïdes qui se présentent comme une avancée majeure dans le domaine de la biologie et de la médecine. Décryptage.

Commençons par une définition. Les organoïdes sont des modèles miniaturisés et simplifiés d’organes, cultivés in vitro à partir de cellules souches pluripotentes (capables de se différencier en divers types cellulaires) ou de cellules adultes reprogrammées. Sous des conditions spécifiques, ces cellules s’organisent spontanément en structures tridimensionnelles, imitant la composition cellulaire, la fonctionnalité et, dans certains cas, la morphologie des organes qu’elles représentent, comme le cerveau, le foie, l’intestin ou les poumons.

On observe une multitude d’applications possibles de ces organoïdes. Tout d’abord au niveau de la modélisation des maladies. Les organoïdes permettent de recréer en laboratoire des tissus malades et de comprendre les mécanismes sous-jacents des pathologies. Par exemple, les organoïdes cérébraux sont utilisés pour étudier des maladies neurologiques comme la maladie d’Alzheimer, l’épilepsie ou les troubles du spectre autistique. Ils sont également cruciaux pour la recherche sur les maladies infectieuses.

Ensuite, les organoïdes dérivés des patients permettent de tester l’efficacité et la toxicité de médicaments dans un contexte génétique spécifique. Ce processus accélère le développement de traitements personnalisés, notamment pour des cancers résistants aux traitements traditionnels.

Enfin, ils offrent une fenêtre unique sur les processus complexes du développement embryonnaire humain. En reproduisant ces étapes en laboratoire, les chercheurs peuvent mieux comprendre les malformations congénitales ou les interruptions de développement.

Il existe plusieurs cas concrets d’organoïdes développés pour représenter différents organes humains. Ils offrent des outils précieux pour la recherche, souvent plus représentatifs des processus humains que les modèles animaux. Bien qu’ils ne remplacent pas encore les organes complets, ils permettent des avancées significatives dans la compréhension des maladies et le développement de nouveaux traitements.

Les organoïdes cérébraux (mini-cerveaux) reproduisent des aspects du développement et de la structure du cerveau humain pour étudier des troubles neurologiques tels que l’autisme, la maladie d’Alzheimer ou mieux comprendre le développement cérébral humain. Par exemple, des organoïdes cérébraux ont été utilisés pour étudier les effets du virus Zika, montrant comment l’infection réduit la prolifération des cellules neuronales et conduit à des malformations cérébrales.

Autre cas, les organoïdes intestinaux qui recréent la structure et les fonctions de l’intestin humain, y compris des cellules sécrétrices de mucus, des cellules absorbantes et des cellules immunitaires. Ils sont utilisés dans la recherche sur le microbiote intestinal et son interaction avec le système immunitaire, dans des tests de toxicité et d’absorption des médicaments ou dans des études sur les MICI.

De leur côté, les organoïdes pulmonaires constituent des modèles qui imitent les structures et fonctions des voies respiratoires, notamment les alvéoles pulmonaires pour mener des recherches sur les maladies pulmonaires chroniques comme la fibrose pulmonaire ou la BPCO ou des études sur les infections pulmonaires, comme celles causées par le virus respiratoire syncytial (VRS) ou le SARS-CoV-2 (COVID-19). Pendant la pandémie de COVID-19, des organoïdes pulmonaires ont été utilisés pour étudier comment le virus infecte les cellules et pour tester des antiviraux.

Les organoïdes hépatiques (mini-foies) contiennent des cellules hépatiques fonctionnelles capables de métaboliser des substances toxiques et de produire des protéines spécifiques au foie. Ils permettent des études des maladies hépatiques, telles que la stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD) ou les hépatites, ainsi que des tests de toxicité des médicaments, notamment en phase préclinique. A titre d’exemple, des organoïdes hépatiques ont été greffés à des souris atteintes d’insuffisance hépatique, démontrant leur potentiel pour restaurer partiellement la fonction hépatique.

Il en existe de nombreux autres au service de la recherche :

  • Organoïdes rénaux qui imitent des parties fonctionnelles du rein, comme les néphrons, responsables de la filtration du sang.
  • Organoïdes gastriques qui reproduisent la structure et les fonctions de l’estomac, incluant la sécrétion d’acide gastrique et de mucus.
  • Organoïdes rétiniens qui reproduisent les composants cellulaires et les réseaux neuronaux de la rétine humaine.
  • Organoïdes pancréatiques qui modélisent la structure et la fonction des cellules du pancréas, y compris les cellules bêta responsables de la production d’insuline.
  • Organoïdes de la peau qui reproduisent l’épiderme et le derme, avec des structures telles que les follicules pileux.
  • Organoïdes cardiaques qui constituent des mini-cœurs contenant des cellules musculaires cardiaques capables de battre spontanément.

Quels impacts du numérique sur les organoïdes ?

Le digital a un impact majeur sur la recherche et le développement des organoïdes, en rendant les processus de conception, de manipulation et d’analyse plus rapides, précis et accessibles. Il améliore la vitesse, la précision et la collaboration dans la recherche sur les organoïdes, tout en ouvrant des possibilités qui étaient inimaginables auparavant. Grâce à ces technologies, les organoïdes deviennent des outils encore plus puissants pour modéliser les maladies, tester des traitements et préparer une médecine véritablement personnalisée.

Le numérique est aujourd’hui utilisé au niveau des organoïdes pour la modélisation in silico avec des logiciels de simulation qui permettent de modéliser en détail la croissance des organoïdes, en prévoyant leur morphogenèse et leur comportement cellulaire. Ces modèles numériques permettent de tester différentes configurations expérimentales avant de les appliquer en laboratoire, économisant du temps et des ressources.

Autre impact, la possibilité de mener des analyses de données massives. En effet, les organoïdes produisent une grande quantité de données : imagerie cellulaire, séquençage génétique, transcriptomique, etc. Le digital, grâce à des outils d’analyse big data, permet d’extraire des corrélations et des motifs à partir de ces données pour comprendre les mécanismes biologiques sous-jacents.

Le digital est également utilisé pour l’automatisation des cultures d’organoïdes. Les systèmes robotisés, combinés à des plateformes de microfluidique, permettent de cultiver des organoïdes avec une précision accrue et en grand nombre. Ces outils réduisent les erreurs humaines et garantissent une reproductibilité optimale.

Dans les programmes de recherche, la collaboration et le partage des données sont essentiels. Les chercheurs utilisent des plateformes basées sur le cloud pour partager des données expérimentales sur les organoïdes, accélérant ainsi la collaboration mondiale. Des bases de données en ligne compilent des informations sur les protocoles, les observations biologiques et les résultats d’expériences, permettant une réplication et une amélioration constantes.

Parmi les autres impacts du numérique sur les organoïdes, on retrouve :

  • l’intelligence artificielle est utilisée pour analyser les images complexes des organoïdes, en détectant des structures, des anomalies ou des processus biologiques spécifiques.
  • la réalité augmentée et réalité virtuelle pour explorer les organoïdes en trois dimensions, rendant possible une analyse plus intuitive de leur structure interne.
  • le bioprinting pour fabriquer des matrices personnalisées qui peuvent être conçues pour imiter des tissus spécifiques, comme une structure vasculaire pour un organoïde cardiaque ou rénal.

Avec les avancées continues en bio-ingénierie et en intelligence artificielle, les organoïdes deviendront de plus en plus sophistiqués. L’intégration de technologies telles que la bioprinting pour fabriquer des structures plus complexes ou l’utilisation de matériaux biomimétiques pour améliorer leur fonctionnalité pourrait élargir leurs applications.

À long terme, les organoïdes pourraient jouer un rôle clé dans la médecine de précision, en permettant une approche entièrement personnalisée des soins. Ils pourraient également révolutionner les essais cliniques, réduisant la dépendance à l’égard des modèles animaux et accélérant la mise sur le marché de nouveaux médicaments.

 

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