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[Chronique] Patients, objets de données ou véritables partenaires ?

par Rémy Teston

Cette semaine je vous propose une nouvelle chronique sur un sujet sur lequel je m’interroge depuis un long moment : la valeur des données patients et leur utilisation dans le numérique santé. 

Le numérique a changé le patient. À chaque clic, chaque prise de tension connectée, chaque questionnaire rempli, il génère quelque chose de plus précieux que l’or : de la donnée. On la collecte, on la stocke, on l’analyse. On la revend parfois. Et très souvent, le patient ne sait ni comment, ni pourquoi, ni à qui. Dans la grande machine de la e-santé, il est devenu une ressource, parfois une variable d’ajustement. Une immense contradiction, quand on rappelle partout que la santé doit être « centrée patient ».

La vérité est brutale : dans trop de projets numériques, le patient n’est pas un acteur. Il est un gisement. Un fournisseur de data. Un utilisateur final qu’on invite à valider ce qui a été décidé sans lui. Son rôle se limite à consentir, souvent sans comprendre, ou à consentir par défaut parce qu’aucun soin n’est possible sans passer par la case numérique.

Pourtant, rien n’est plus ironique : les projets qui fonctionnent vraiment sont ceux où le patient a été impliqué dès le départ. Co-conception des interfaces, tests utilisateurs, remontée de besoins réels, adaptation au quotidien des maladies chroniques… Dès que le patient cesse d’être un objet pour devenir un sujet, la e-santé gagne en pertinence, en adoption et en impact.

Le changement est en marche. Les associations de patients participent aux appels à projets, siègent dans les comités d’éthique, évaluent des dispositifs médicaux numériques. Les cohortes en ligne et les plateformes de patient-reported outcomes donnent une voix scientifique aux vécus individuels. La recherche clinique prend en compte la qualité de vie, pas seulement les biomarqueurs. Et la puissance publique commence à exiger la preuve de l’utilité réelle pour les citoyens, pas seulement pour les systèmes.

Mais il reste un impensé : l’économie de la donnée. Car lorsque les données issues de patients deviennent un levier de développement, de recherche, voire de profits industriels, pourquoi le patient n’aurait-il pas un rôle (et une place) dans la valeur créée ? Jusqu’où peut-on parler de participation si le partage est unidirectionnel ?

Devenir partenaire, ce n’est pas seulement cocher une case de co-design. C’est être inclus dans la gouvernance, dans l’évaluation, et à terme, dans le modèle de valeur. C’est accepter l’idée que la santé n’est pas seulement un marché, mais une relation de confiance. Une relation dans laquelle le patient n’est pas un fournisseur de données, mais un acteur du soin, de la connaissance et de la décision.

La e-santé n’a pas besoin de plus de données. Elle a besoin de plus de confiance. Et la confiance ne se décrète pas : elle se construit. Avec transparence. Avec partage. Avec co-création. Avec reconnaissance.

La question n’est donc plus : « que pouvons-nous apprendre des patients ? » mais « que pouvons-nous construire avec eux ? ». Entre ces deux visions, il n’y a pas un détail : il y a l’avenir de la santé numérique.

Rémy Teston

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