Accueil A la une [Chronique] La fin des déserts médicaux avec le numérique, une utopie ?

[Chronique] La fin des déserts médicaux avec le numérique, une utopie ?

par Rémy Teston

Nouvelle chronique autour du numérique santé. Aujourd’hui, réflexion autour d’une problématique récurrente : la fin des déserts médicaux avec le numérique, une utopie ?

Depuis des années, la France se débat avec un problème devenu presque insoluble : celui des déserts médicaux. Villages sans médecins, délais interminables pour obtenir un rendez-vous, urgences saturées… La fracture territoriale en matière de santé est l’un des grands maux de notre système. Face à cette impasse, le numérique est régulièrement brandi comme la solution miracle. Télémédecine, téléexpertise, plateformes de coordination, intelligence artificielle : les innovations foisonnent et la promesse est séduisante. Mais faut-il vraiment croire que la technologie suffira à combler le vide laissé par l’absence de professionnels sur le terrain ?

Il est indéniable que le numérique a déjà apporté des réponses. La crise sanitaire l’a montré avec l’explosion de la téléconsultation. Dans certaines zones rurales, elle a permis d’accéder à un médecin sans parcourir des dizaines de kilomètres. Les télé-expertises facilitent également le lien entre praticiens isolés et spécialistes hospitaliers, évitant des déplacements inutiles pour les patients. Des plateformes d’IA commencent à épauler les soignants dans le tri, le suivi ou la prévention. Ces outils, bien utilisés, peuvent alléger la pression et réduire certaines inégalités.

Mais croire qu’ils suffiront à effacer les déserts médicaux relève de l’utopie. Car le problème n’est pas uniquement une question d’accès technique. C’est aussi une question humaine. Une téléconsultation ne remplacera jamais la présence d’un médecin de famille, son écoute, sa connaissance du patient dans la durée. Le numérique peut optimiser, mais il ne crée pas de vocations. Il ne forme pas plus de médecins, il ne règle pas le déséquilibre entre spécialités, et il n’attire pas davantage de professionnels dans les territoires où la qualité de vie professionnelle est jugée dégradée.

De plus, l’outil numérique suppose des infrastructures et une culture digitale partagée. Or, dans certaines zones, l’accès à internet reste limité, et l’illectronisme demeure une réalité pour une partie de la population. Comment imaginer que le numérique réduise les inégalités quand il en crée de nouvelles entre ceux qui maîtrisent les outils et ceux qui en sont exclus ?

Le risque est là : faire du numérique un alibi commode pour masquer l’ampleur du problème. Multiplier les plateformes ne remplacera pas une politique ambitieuse d’aménagement du territoire, de réorganisation des soins de premier recours ou d’incitations fortes pour les jeunes médecins. Au contraire, en misant trop sur la technologie, on risque de renforcer une médecine à deux vitesses : connectée et fluide pour certains, défaillante et distante pour d’autres.

Le numérique ne doit donc pas être vu comme une baguette magique, mais comme un levier complémentaire. Il peut réduire certaines frictions, fluidifier les parcours, et surtout mieux connecter les ressources médicales existantes. Mais il ne règlera pas, à lui seul, le problème structurel du manque de soignants. La fin des déserts médicaux par le numérique reste, pour l’instant, plus une utopie qu’une réalité. Et la véritable question est peut-être ailleurs : voulons-nous d’une médecine dématérialisée, ou voulons-nous reconstruire une présence humaine durable dans tous les territoires ?

Rémy Teston

 

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