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A la rencontre du digital santé : Muriel Londres

par Rémy Teston

Régulièrement, je vous propose de partir à la rencontre d’un acteur du digital santé en France.

muriel-londresCe mois-ci, partons à la rencontre de Muriel Londres, e-Patiente très présente sur les médias sociaux et Co-responsable de l’antenne Ile-de-France de Vivre-sans-thyroïde.

Bonjour Muriel. Peux-tu te présenter brièvement ?

Bonjour, je suis une e-patiente, présente sur Twitter sous le nom de MissLondres. J’ai débuté dans la e-santé auprès de l’association Vivre-Sans-Thyroïde, qui m’a beaucoup aidé quand j’ai fait face à de nombreuses difficultés avec ma maladie auto-immune, la maladie d’Hashimoto. J’ai trouvé sur le forum de l’association de l’information, et surtout de l’empathie et de l’écoute de la part de mes pairs malades. J’ai commencé par aider l’association en réalisant des vidéos de conférences médicales pour le compte YouTube de Vivre-Sans-Thyroïde. Maintenant, je suis au conseil d’administration de l’association, modératrice du forum et du groupe Facebook, je co-anime avec la présidente le compte Twitter et la page Facebook de Vivre-Sans-Thyroïde. Je suis aussi co-animatrice de rencontres mensuelles parisiennes entre patients, les ‘café thyroïde’. Je fais cela bénévolement.

Au jour le jour, je me documente beaucoup sur la e-santé en général et discute sur Twitter avec mes camarades e-patientes, des médecins, des institutionnels etc… et j’essaye de participer aux événements qui parlent des thématiques qui m’intéressent, comme la conférence doctors 2.0 and You qui me semble incontournable.

Peux-tu nous dire quelques mots sur Vivre-sans-thyroïde et son origine ?

Vivre-Sans-Thyroïde est un des plus vieux forums de malades francophones sur internet. Le forum rassemble toutes les pathologies, maladies auto-immunes, cancer, personnes nées sans thyroïde, nodules, hypothyroïdie… Lors de la découverte de nodules puis de son cancer, la fondatrice de Vivre-Sans-Thyroïde, Beate Bartès, d’origine allemande a trouvé toute l’aide nécessaire sur un forum allemand, et en 2000 avec l’aide du webmaster allemand, elle a décidé de créer un forum équivalent en français. En 2007, le forum est devenue une association de patient, reconnue d’intérêt général.

Pour mentionner quelques chiffres, l’association compte plus de 400 adhérents, le forum compte plus de 15000 inscrits, le groupe Facebook 850 membres, le compte YouTube a plus de 40000 vues. Le forum est visité par plus de 5000 visiteurs uniques par jour.

En plus de nos actions sur la toile, nous organisons ou participons à l’organisation de conférences à destination de patients, nous assistons à des conférences médicales et nous sommes membre du réseau tuthyref, du réseau thyroïde, d’organisations de patients internationales (Thyroid Federation International et Thyroid Cancer Alliance) et Beate intervient même devant des médecins pour propager la parole du patient.

Avec plusieurs patients, vous avez lancé il y a quelques jours un manifeste en faveur de la prise en compte du patient dans l’ensemble du parcours de soins : Coopération Patients. Peux-tu nous en dire quelques mots ?

Coopération patient est née de l’idée que les maladies chroniques comportaient des enjeux communs et qu’il n’existait véritablement aucune structure pour rassembler les personnes qui réfléchissent à ces enjeux et aux problématiques qui dépassent la seule notion de maladie. Il existe le CISS, mais qui est davantage tourné vers le volet ‘usagers de santé’. À l’initiative de militants aguerris comme Christian SAOUT ou Gerard RAYMOND de l’AFD, nous nous sommes rassemblés l’année dernière dans le but de fonder une association dans laquelle chaque personne et pas l’organisation qu’elle représente aurait son mot à dire autour de thématiques comme l’expertise patient, la recherche, et les relations avec l’industrie pharmaceutique. Nous avons écrit un manifeste qui est visible sur notre site internet cooppatients.wordpress.com qui est le fruit de nos réflexions. Nous avons fait un constat sur la situation actuelle commune aux malades chroniques et à la suite, nous avons formulé toute une série de propositions pour améliorer la prise en charge des maladies chroniques, qui touchent près de 15 millions de personnes en France !

Observatrice du web santé, notamment sur les réseaux sociaux,  quel regard portes-tu sur la blogosphère santé et le web santé en France ?

Pour ce qui est des patients, je pense qu’il y a pas mal d’initiatives personnelles, des blogs ou des groupes Facebook, de forums qui sont dignes d’intérêt. Les gens sentent de plus en plus le besoin de se rassembler, des discuter, de partager leurs expériences avec la maladie. Je crois énormément en l’intelligence collective et je pense que ces communautés sur le web sont émancipatrices pour les patients. Je souhaite que les associations de patients ‘classiques’ investissent ces nouveaux médias, car elles ont souvent un accès privilégié à l’information ce qui seraient utile aux patients, et les patients eux-mêmes seraient aussi plus aisément mobilisables ou même consultables à propos de leur vécu de la maladie par ce biais. Il faut aussi mentionner cette possibilité qu’offre Twitter de discuter avec tous les intervenants autour de la santé, médecins, institutions, pharma… Cela demande un investissement personnel -sur Twitter les échanges se font plutôt de personne à personne- qui est pour le moment assez rare.

Je regrette aussi que les médecins communiquent plutôt en vase clos et en restant trop souvent anonymes sur Twitter… je salue néanmoins leur volonté de dialogue, leurs échanges autour de la pratique quotidienne de la médecine que je trouve très utiles.

Il y a aussi l’émergence d’une véritable communauté française de personnes intéressées par les nouveaux outils e-santé, j’espère que nous serons de plus en plus nombreux et que nous serons unis au travers de think tank ou d’associations -comme c’est déjà le cas avec Isidore ou coopération patients-  J’aimerais qu’émerge aussi une véritable ‘society of participatory médecine’ avec une présence permanente du patient qui serait sur un pied d’égalité avec les autres intervenants.

Je suis par contre très méfiante envers certains des nouveaux outils mis à disposition des patients, comme les réseaux sociaux privés qui se multiplient. Persiste souvent chez eux un certain paternalisme et pour l’instant rien n’en est ressortit qui pourrait permettre de faire évoluer les prises en charges car il s’agit avant tout de gagner de l’argent (ce qui est tout à fait légitime !). Leur modèle économique n’est pas non plus toujours clair de même que leur lien avec l’industrie pharmaceutique. Les données de santé du patient sont susceptibles d’être revendues ce qui pose, selon moi, un problème éthique.

Pour finir, comment vois-tu évoluer l’e-santé dans les années à venir en France, et plus spécifiquement la place du patient ?

Je ne suis pas madame Irma (même si j’aimerais bien !). J’espère que nous résoudrons les problématiques du financement des associations de patients et des innovations qui semblent de plus en plus être financées par le privé.

J’espère que le patient ne sera pas uniquement bénéficiaire des soins, mais co-constructeur avec les autres intervenants.

Je suis persuadée que les progrès techniques vont permettre une meilleure prise en charge au quotidien des maladies chroniques, que ce soit chez le médecin ou en autonomie – avec de nouveaux outils électroniques, des applications mobiles, des communautés de plus en plus nombreuses. Je crains néanmoins qu’une partie de cette révolution ait lieu sans la participation du patient ou des associations parfois trop occupées à gérer le quotidien déjà difficile vu le manque de temps et de financements. Doit-on laisser l’innovation aux seules sociétés privées ?

Je crois enfin à la prévention, à l’auto-mesure pour maintenir une bonne hygiène de vie et à la libération des data, qui va permettre à tout un chacun d’explorer les données, de dégager de nouvelles problématiques et d’imaginer les outils de demain.

Pour aller plus loin : Vivre-sans-thyroïde, @MissLondres, Coopération Patients

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