Régulièrement, je vous propose de partir à la rencontre d’un acteur du digital santé en France.
L’association Alsace Digitale organise un hackathon e-santé du 28 au 30 mars 2014 à Strasbourg : le DigitalHealthCamp. Interview avec l’un des organisateurs Sébastien Letélié.
Bonjour Sébastien. Peux-tu te présenter brièvement ?
Développeur et geek depuis l’adolescence, je me passionne à résoudre des problèmes en utilisant des nouvelles technologies. Il y a 10 ans, je me suis associé à une équipe pour développer une application web de gestion du dossier patient aux urgences (ResUrgences, aujourd’hui intégré au groupe Berger-Levrault). C’est par ce biais que je suis rentré dans le monde de la santé.
Par ailleurs je fais parti de l’équipe d’Alsace Digitale, une association dont la mission est de promouvoir l’économie numérique et l’entreprenariat en Alsace. L’idée principale est de faire bouger le statu quo dans tous les domaines en utilisant des approches innovantes (co-working, barcamp, hackathon, …).
A l’initiative d’Alsace Digitale, vous organisez la première édition du DigitalHealthCamp. De quoi s’agit-il ?
Une grande partie de mon travail consiste à collaborer avec les équipes médicales pour améliorer le produit selon leurs besoins. Cela m’a amené à constater un déficit important en termes d’innovations technologiques dans ce secteur. Avec mon profil « santé » je me suis demandé si d’associer mes connaissances et mon réseau avec la mission d’Alsace Digitale n’aurait pas un intérêt. De la a émergé l’idée d’un évènement où l’on ferait collaborer des professionnels de santé, des développeurs et des designers pour créer des solutions innovantes à partir de problématiques réelles remontées par les professionnels de santé eux-mêmes.
Le hackathon est le format qui m’a paru le plus approprié pour mettre en place cet événement. Le principe consiste à réaliser des prototypes à partir de défis et en utilisant toutes toutes les technologies possibles, ceci en un temps limité et sans s’arrêter. Pour avoir participé à ce genre d’évènement l’émulation et la créativité qui y bouillonne sont vraiment productives et montrent la capacité que des équipes peuvent avoir pour trouver des solutions innovantes rapidement.
Concrètement cela se déroule sur un week end, du vendredi soir au dimanche soir. Le vendredi soir des équipes se constituent autour des défis proposés. Elles ont ensuite jusqu’au dimanche 16h pour réaliser un prototype. Tout le long du week end des coach techniques, médicaux et des spécialistes du design et du marketing viendront épauler les équipes. Elles doivent au final présenter ce prototype à un jury composé de professionnels de santé, d’entrepreneurs et d’ingénieurs. Au final il y aura plusieurs prix et des récompenses. Nous sommes encore en train de finaliser cette partie. Les critères de jugement seront publiés avant l’évènement.
Quels sont les objectifs de cet évènement ?
Principalement révolutionner le monde de la santé en adoptant une démarche collaborative et constructive. Mais aussi créer des startups dans ce secteur qui viennent perturber le marché. Sans oublier l’amélioration de la prise en charge des patients et de la qualité des soins en aidant les équipes médicales à mieux travailler.
Cet événement a aussi l’ambition de faire bouger les lignes en terme de collaboration et de conception de solutions. C’est une première approche permettant de changer la manière de travailler et la culture dans ce domaine pour faire collaborer les acteurs directement et aboutir à des solutions efficaces rapidement.
Quels seront les moments forts de ce hackathon e-santé ?
J’aurais tendance à dire que tout le week end sera ponctué de moments forts. Cependant le vendredi soir, il sera très intéressant de voir les équipes se constituer autour des projets, l’énergie et la motivation seront les principaux facteurs de rassemblement. Le dimanche soir sera surement le moment le plus magistral puisque c’est à ce moment que les prototypes seront présentés au jury. Ce sera le moment le plus important de l’évènement.
Pourquoi cette association avec le mouvement international Hacking Health ?
Lorsque l’idée m’est venue, j’ai commencé par regarder sur Internet si d’autres n’avaient pas eu la même idée avant moi. J’ai alors constaté que les canadiens venait juste de se lancer et avec beaucoup de succès. Les motivations étaient les mêmes que les nôtres. J’ai pris contact avec eux pour leur demander des conseils. A ce moment ils étaient sur le point de lancer un mouvement mondial et c’est tout naturellement que nous nous sommes associés. L’apport en terme de visibilité et d’échanges collaboratif internationaux est un atout important pour les participants et les projets car la santé est un enjeu qui dépasse les frontières.
C’est eux qui fournissent la plate-forme de gestion des défis : le sparkboard. Permettant ainsi à tous de poster son défi et d’échanger avec les participants en amont de l’évènement.
L’équipe Hacking Health nous soutient et nous apporte leur aide via l’expérience de leurs évènements passés. Nous sommes en train de mettre en commun certaines ressources ainsi que des partenariats. Je serais d’ailleurs à Montréal pour le Hacking Health de février.
Observateur de l’e-santé en France, comment vois-tu évoluer l’e-santé dans les années à venir en France ?
Nous vivons les dernières heures de la pratique de la médecine traditionnelle. Le patient prend une place plus importante qu’auparavant car il a compris qu’il pouvait lui-même être l’acteur de sa santé et de son bien-être. Les freins sont nombreux lorsqu’un domaine aussi vaste que la santé subit des perturbations. Cependant la technologie est un atout et beaucoup d’entre nous l’ont compris qu’ils soient patient ou professionnel de santé. Reste qu’il ne faut pas se voiler la face, la technologie ne remplacera pas le rôle fondamental du médecin et des paramédicaux, elle viendra simplement (et j’insiste sur la notion de simplement) améliorer la manière d’échanger et de collaborer avec le patient.
Concrètement et pour prendre comme exemple un secteur que je connais bien, l’hôpital souffre d’une informatisation très retardée et inefficace. Construite autour d’impératifs réglementaires et non en collaboration avec les praticiens, c’est devenu une charge et non une aide. Ceci du fait principalement d’acteurs de grande taille dans l’incapacité d’innover et d’un contexte décisionnel qui ne pousse pas à la prise de risque et à l’innovation. Pourtant il n’y a aucune barrière technique, l’interopérabilité existe et elle est même internationalement reconnue et validée. Les nouvelles technologies sont là et elles viennent perturber l’existant, la pratique du BYOD en est un exemple flagrant. Les freins sont souvent politiques, humains culturels et ils vont bientôt tomber du fait de solutions innovantes qui par leur efficacité et leur performance rendront évidente leur adoption. Nous avons de plus la chance de ne pas avoir de barrière juridique ni sécuritaire car nous sommes les seuls au monde pour l’instant à avoir un cadre légal permettant d’héberger et de communiquer des données de santé à caractère personnel. Profitons en !
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