Régulièrement, je vous propose de partir à la rencontre d’un acteur ou d’une innovation du digital santé en France. Aujourd’hui partons à la rencontre de Fanny Jacq et découvrons la solution de télésurveillance en psychiatrie Edra, développée par Resilience.
Bonjour Fanny, avant toute chose, peux-tu nous présenter brièvement ton parcours ?
Je suis médecin psychiatre de formation. J’ai été chef de clinique à Paris puis je me suis installée en cabinet pendant 10 ans où je recevais des patients avec des difficultés de mobilité (post partum et fin de vie étaient mes expertises).
Du coup j’ai eu l’idée en 2015 de développer une solution de téléconsultation dédiée à la psychiatrie. J’évolue dans le secteur de la mental tech depuis maintenant 10 ans. J’ai créé en 2018 un chatbot d’accompagnement des patients en souffrance psychologique, j’ai cofondé et présidé l’asso MentalTech, j’ai été élue femme de santé en 2021. Je suis actuellement directrice médicale chez Resilience depuis bientôt 3 ans.
Peux-tu nous présenter Resilience et tes missions ?
Resilience a été créée en février 2021 avec une mission simple : mieux soigner et personnaliser la prise en charge des patients. La société est aujourd’hui un acteur majeur de la télésurveillance en oncologie puisque nous sommes les leaders français sur ce marché avec plus de 120 établissements partenaires et 16 000 patients télésuivis.
Nous sommes aussi les premiers à avoir obtenu le remboursement de notre dispositif médical en nom de marque. L’ambition de Resilience est donc à présent de déployer la télésurveillance pour mieux accompagner les patients dans d’autres maladies chroniques comme les MICI, avec GutyCare, et les tb de l’humeur. La solution dédiée aux tb de l’humeur s’appelle Edra, qui signifie « le socle, la base » en grec ancien. Edra peut être le repère pour le patient, puisqu’il pourra à la fois signaler des symptômes à son case manager/son psychiatre, mais aussi y trouver des contenus psycho éducatifs de qualité.
Je travaille comme directrice des affaires médicales sur le projet Edra, et je m’assure de la qualité des contenus distribués aux patients. Je suis également en charge du développement et du déploiement des programmes digitaux de TCC pour accompagner les symptômes des patients atteints de maladies chroniques par exemple des soins de support digitaux sur le sommeil, la dépression, la fatigue, l’anxiété ou la douleur.
Face aux enjeux croissants de la santé mentale, vous venez d’annoncer le développement d’Edra, une solution de télésurveillance médicale pour la psychiatrie. Pourquoi ce choix de la télésurveillance ?
Un bref rappel sur les troubles psychologiques : la dépression 1ère maladie au monde en 2030, 10 ans de retard au diagnostic d’un trouble bipolaire, maladies psys = premier poste de dépenses sécu en maladies chroniques.
En parallèle, dans 30% des cas le premier anti dépresseur prescrit pour une dépression ne fonctionne pas, 1 patient sur 2 arrête son traitement dans les 3 mois et 70% des patients rechutent d’un épisode dépressif.
Télésuivre ces patients va permettre de mieux observer l’efficacité ou non de leur médicament, de mieux les prendre en charge s’ils ont des effets secondaires, et donc à terme d’améliorer leur observance au médicament, d’être plus réactif s’il faut changer la molécule, pour au final améliorer plus rapidement leurs symptômes dépressifs.
Quelles ont été les étapes dans le développement de Edra ?
Bien sûr la première étape était d’identifier et de vérifier le besoin = revue de littérature, discussion avec les institutions de santé, les patients, les soignants sous forme de focus group.
Ensuite création de l’algorithme patient (c’est-à-dire les questionnaires que les patients reçoivent chaque semaine et le système d’alertes intelligent qui y est associé pour prévenir le soignant si dégradation de l’état du patient) avec une dizaine de psychiatres représentatifs de la vie réelle = Hôpital clinique ville.
Test de l’algorithme sur des patients et des soignants jusqu’à arriver à la solution optimale qui va générer des alertes intelligentes au soignant, au bon moment.
A présent MVP et démarrage à venir d’un essai clinique RCT pour tester l’efficacité de notre outil sur des patients adultes traités pour un trouble de l’humeur (un groupe contrôle avec les soins usuels vs un groupe soins usuels+ télésuivis par Edra).
Quels sont les outils proposés via cette solution ?
Le dispositif combine deux outils :
- Côté soignant une plateforme de télésurveillance qui compile les données des patients et les alertent en cas de souci afin qu’ils rappellent le patient, voire le médecin référent si besoin. L’objectif est de leur permettre d’évaluer l’efficacité des traitements et d’améliorer leur suivi.
- L’application côté patient avec envoi d’un questionnaire chaque semaine pour mesurer leurs symptômes psychologiques et physiques.
Elle possède également du contenu psychoéducatif (cartes symptômes, articles, podcasts, vidéos) pour accompagner le patient tout au long de son parcours de soins. La solution est en cours de développement , elle n’a pas encore obtenu le marquage CE et ne sera pas commercialisée avant d’avoir reçu cette certification, que l’on estime pour courant 2025.
Quels sont les bénéfices démontrés ?
La littérature démontre une amélioration des symptômes dépressifs par rapport à une population non télésuivie, une amélioration des symptômes maniaques, une meilleure QDV, la réduction des nb de jours d’hospitalisation ainsi qu’une bonne satisfaction et une bonne observance des patients à ce type d’outils.
En tant qu’observatrice de la e-santé en France depuis de nombreuses années, comment vois-tu les évolutions du numérique en santé ?
Ça bouge quand même bien sûr en 10 ans mais ça reste un des domaines dans lequel les évolutions se font vraiment lentement. Les contraintes règlementaires, bien que nécessaires, restent très/trop pesantes et ne s’adaptent pas à la vitesse et à la vie d’une start up, il y a un gros décalage entre vitesse d’exécution des start up et les contraintes exigées par la recherche et les démonstrations des bénéfices cliniques. Du coup de nombreuses solutions ne survivent pas hélas.
Le modèle d’affaires reste compliqué car en France les gens ne sont pas habitués à payer pour leur santé, donc à part les entreprises, les mutuelles et la PEC sécu il n’y a pas de solution. Du coup nombreuses petites innovations hétérogènes qui ont du mal à se faire connaitre, qui ne survivent pas ou partent aux US où les modèles de fonctionnement sont plus simples et c’est dommage pour le milieu de la medtech française qui a pourtant beaucoup à apporter.
Pour en savoir plus : www.edra.care
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