[review]
Régulièrement, je vous propose de partir à la rencontre d’un acteur du digital santé en France.
Aujourd’hui, partons à la rencontre de Clement Beauvallet, CEO de la jeune start up SANT.EE.
Bonjour Clément. Peux-tu te présenter brièvement ?
Pour me présenter brièvement, je suis un startupper de 32 ans, avec un parcours qui a commencé en Ecole de Commerce, avant de se poursuivre dans l’automobile (et oui !) avec forcément pas mal de « Web ». J’ai ensuite monté une agence web dans l’automobile, avant de suivre la voie familiale et de rejoindre la pharmacie, en travaillant comme Digital Manager pour 2 grands laboratoires.
Mais le virus de l’entreprenariat m’a repris, et j’ai aussi (surtout) ne pas voulu rester spectateur de la révolution qui arrive dans la santé… J’ai donc cherché des idées à mettre en œuvre dans ce secteur, qui avait du sens, et surtout un vrai bénéfice pour le « client » avant qu’il ne devienne patient.
Et c’est de ces réflexions qu’est née Sant.ee, une jolie aventure au service de la santé, dans laquelle j’ai été rejoint par François Abbas et Florence Laurier, apportant des compétences commerciales et médicales qui manquait pour créer une vraie solution utile pour les utilisateurs.
Après plusieurs mois de durs labeurs, vous venez de sortir l’application Sant.ee. Peux-tu nous en dire quelques mots ?
Pour faire « synthétique », notre pitch c’est de mettre la prévention de santé directement dans la poche des gens. Et de les aider à moins tomber malade, très concrètement.
Mais, contrairement à beaucoup de start up en ce moment, nous avons souhaité nous attaquer aux maladies saisonnières ou récurrentes : la grippe, la gastro, les poux, la varicelle, l’asthme, etc….
La Grippe, la Gastro et l’Angine coute à elles seules en moyenne 500 à 1 000 Millions d’Euros aux Français chaque année (en coût direct et hors épidémie majeure exceptionnelle) et une dizaine de millions de Français touché, avec à la clé : désorganisation à la maison, au travail, sans parler de notre état physique.
Et personne n’y faisait rien !
Pourtant, des études prouvent que des actions de prévention simple, au bon moment, permettent de réduire les risques de tomber malade (quasiment) par deux.
Nous nous sommes donc données la mission de répondre à ce problème, en utilisant (simplement) les technologies déjà existantes, l’expérience utilisateur présente dans d’autres domaines, pour les appliquer à ce problème.
C’est comme ça que l’application Sant.ee est née, pour savoir, en temps réel, s’il y a des risques de maladies autour de moi (ou de mes proches) et me donner des conseils personnalisés pour éviter de tomber malade.
Quelles sont les principales fonctionnalités de cette application ?
Nous avons conçu l’application de manière très simple.
Avant toute chose, il faut se créer un profil. Rien de très complexe jusque-là, vous pouvez même utiliser Facebook. Mais avec un point important : tout est anonyme et nous ne publions rien de votre part.
Et ces icônes sont présentes partout pour vous indiquer l’état de santé (sur la home page, pour vos lieux, …).
Il faut aussi configurer vos « lieux de vie » : maison, bureau, sport… Ils nous permettent d’avoir une cartographie pertinente des risques autour de vous, et des lieux où vous passez du temps. Nous ne voulions pas utilisez les données du GPS en direct, trop intrusif.
Une fois qu’ils sont configurés, nous les surveillons en temps réel, et vous prévenons via des « push » dès qu’une maladie dépasse un seuil d’alerte.
Nous avons aussi pensé aux parents, qui peuvent créer des profils pour leurs enfants (les Protégés), qui permettent de garder un œil sur les lieux où ils passent du temps, sans effort.
Il y a bien sur les Conseils, qui s’adaptent en temps réel en fonction des risques autour de vous, tous rédigés par notre comité scientifique, sous la direction de Florence, co-fondatrice et titulaire de son officine.
Enfin, vous disposez d’une carte, alimentée en temps réel, permettant d’explorer des lieux que vous n’avez pas rentré dans votre liste (lors d’un déplacement par exemple).
Nous avons aussi ajouté une partie que nous appelons le « Cercle », notre seule entorse à l’anonymat : vous pouvez partager avec vos amis votre statut. Uniquement l’icône du Sant’in, pas plus de détail, mais suffisamment pour savoir quand il est temps de prendre des nouvelles d’un proche !
Après cette première étape, quelles seront les évolutions de cette application dans les mois à venir ?
Pour l’instant, nous allons nous concentrer sur la communauté et l’application existante.
Et surtout travailler avec notre communauté sur ce qu’elle voudrait avoir en plus (ou en moins) dans l’application. Nous voulons vraiment construire avec vous, Sant.ee n’en sera que meilleure !
En parallèle, nous sommes en train de travailler sur un nouveau service, qui viendra compléter l’application pour améliorer encore plus la prévention des utilisateurs, mais ça, on t’en reparlera plus tard si tout va bien J !
Observateur de l’e-santé depuis de nombreuses années, quel regard portes-tu sur l’évolution de la santé mobile et l’émergence de nombreuses start up ces derniers mois ?
Avant tout, je trouve ça génial. La France est notamment en pointe sur le sujet, et c’est un vrai plaisir. La Santé était encore l’un des secteurs, à mon avis, où la technologie n’avait jamais amené de « révolution ». Et aujourd’hui, le secteur fourmille d’idées et de projets incroyables et apportant un vrai service au gens : Umanlife, iHealth ou Withings pour n’en citer que certains.
La santé mobile n’en est encore qu’à ses balbutiements. Il reste tout à faire et à découvrir, mais les signaux faibles sont pour moi clairs : la santé de demain n’aura absolument rien à voir avec aujourd’hui.
Grâce au mobile, qui sera autant un outil lui-même qu’un centralisateur d’informations pour d’autres outils, nous développerons une capacité de prédiction très forte qui nous permettra d’éviter bien des tracas actuels.
Sans parler de Sant.ee, où nous espérons pouvoir rapidement travailler en amont des épidémies, les « wearables tech » permettront rapidement d’avoir un système de détection « Always ON » pour beaucoup de sujets, et certains biens plus graves qu’une grippe.
Ces « wearables tech », croisées avec la « big data » permettront notamment de « mapper » tous ces signaux faibles qui devraient nous alerter, mais passe encore inaperçu pour le moment.
Pour finir, comment vois-tu évoluer l’e-santé dans les années à venir en France ?
En France, comme ailleurs, je pense que l’e-santé va aller vite. Très vite. Je pense déjà que d’ici peu, nous ne parlerons plus d’e-santé, tant la santé ne sera plus concevable sans les nouvelles technologies. Je suis personnellement partisan du terme « Santé Intelligente » pour ce qui nous attend demain, et après-demain.
La première évolution sera probablement « philosophique » : nous allons enfin faire du « Healthcare » et plus du « Sickcare », pour emprunter une expression à nos amis Américains. Nous occuper de la santé, et la protéger par tous les moyens. Pas seulement de la maladie.
Ce qui risque de créer quelques tensions, soyons honnêtes. La France est l’un des Leaders de l’industrie pharmaceutique. Si cette industrie n’embrasse pas la révolution qui arrive, et si les pouvoirs publics ne supportent pas les start-ups qui, comme Sant.ee, portent cette révolution, nous risquons de perdre cette position.
L’union fera notre force à ce niveau, notre capacité d’innovation et notre expertise en Santé nous donnant déjà un coup d’avance sur beaucoup. Sachons faire fructifier ces avantages !
Plus concrètement, le futur pour moi est assez clair : pour paraphraser le Dr Laurent Alexandre : nous allons bientôt tuer la Mort. Mais avant cela, nous aurons vaincu beaucoup d’autres adversaires.
Les maladies bégnines, grâce à une prévention fine et constante, non-invasive mais sure. Les maladies graves, grâce à des technologies qui pointent leur nez : détecteur non invasif pour le diagnostic de (presque) tout, généralisation du diagnostic assisté par ordinateur, impression des organes en 3D, nano-robots, « méca-organes » (organes ou membres remplacé par des parties mécaniques)…
Les maladies chroniques enfin, grâce d’une part à la prévention (autant dans la détection que dans l’accompagnement des personnes à risques), et d’autre part via des traitements « personnalisés », programmés sur notre spécificité (ADN, microbiome, environnement…) avec un taux d’efficacité bien supérieur à ce que nous connaissons aujourd’hui.
Cela peut faire peur parfois, j’en ai l’exemple à chaque fois que je discute de ce sujet. Les données, l’Ethique sont au centre de tout. Mais il ne faut pas laisser ces deux sujets, aussi vitaux soient-ils, bloquer notre évolution. Autant pour l’économie de notre pays, que pour l’impact sur la vie de tout à chacun.
Il faut dépassionner le débat, et travailler dans une volonté de moralisation de l’évolution. Et cela sera simple : je ne connais pas une start up qui se lance pour « pirater les données et les revendre ».
Pour conclure, et même si ce début a démarré de manière difficile (#noussommestouscharlie), permets de te souhaiter à toi, et à tous tes lectrices et lecteurs une Bonne Année 2015 et surtout (surtout) une Bonne Sant.ee !
Pour aller plus loin : www.sant.ee , @SanteeFR