Régulièrement, je vous propose de partir à la rencontre d’un acteur du digital santé en France.
Aujourd’hui, partons à la rencontre d’Evelyne Pierron, consultante pharmacovigilance et créatrice de la plateforme pharmacovigilancepourtous.fr.
Bonjour Remy, un grand merci tout d’abord de t’intéresser à mes activités et de me donner l’opportunité de parler d’une de mes passions la pharmacovigilance. Médecin urgentiste de formation, j’ai commencé la pharmacovigilance tout à fait par hasard il y a 20 ans en assurant des vacations au Centre Régional de Pharmacovigilance de Paris Fernand Widal, puis j’ai travaillé pendant 8 ans à l’Agence du Médicament, l’Afssaps en pharmacovigilance et en biovigilance, en tant qu’expert national et européen à l’agence Européenne (EMA). Depuis 10 ans maintenant, j’ai créé ma société (Evelyne PIERRON Consultants) dédiée à la pharmacovigilance et aux Affaires Réglementaires et j’aide les laboratoires pharmaceutiques à répondre à leurs obligations en matière de pharmacovigilance.
Quel est l’impact du digital sur la pharmacovigilance ?
La pharmacovigilance est une très vieille dame comme nous aimons le dire dans le milieu, dont la difficulté aujourd’hui bien évidemment pour elle est de s’adapter le mieux possible aux évolutions technologiques. Dans ce contexte, la transmission électronique des effets indésirables aux autorités de santé a été le premier gros impact sur le système européen de pharmacovigilance même si les Etats Unis (FDA) et le Royaume Uni (MHRA) avaient déjà pris de l’avance sur ce terrain et intégré depuis longtemps la déclaration en ligne auprès des industriels et des professionnels de santé. En France, nous avons pris énormément de retard mais la déclaration en ligne est désormais possible depuis la fin de l’année 2013, même reste un dispositif peu connu du grand public et considéré encore comme lourd par les professionnels de santé. Des sociétés ont compris le marché (Drugee, EveDrug) et développent des outils (service sécurisé de notification en ligne, applications mobiles) qui facilitent la collecte et la déclaration des effets indésirables.
L’autre gros impact en pharmacovigilance est l’arrivée de nouvelles sources d’informations telles que les forums de discussion patient, blogs, réseaux sociaux (Facebook, Twitter), moteurs de recherche et forums internet spécialisés, identifiées comme possible sources complémentaires dans le processus de surveillance des effets indésirables et une mine infinie de renseignements à explorer. Être à l’écoute des réseaux sociaux pourrait permettre de détecter des signaux faibles. La encore, des sociétés arrivent sur le marché (Kappa Santé, Digimind, LexisNexis…) et proposent des solutions aux laboratoires pharmaceutiques pour gérer ces données.
L’ANSM a également retenu un projet dans ce sens l’année dernière et au niveau européen, un gros projet est en cours (Innovative Medicines Initiative) pour intégrer les réseaux sociaux dans la détection de signal et dans le dispositif d’identification des effets indésirables.
Les publications scientifiques vont également dans le même sens en voyant le numérique comme un réel outil de santé publique.
Tu as récemment lancé la plateforme pharmacovigilancepourtous.fr. Peux-tu nous en dire quelques mots ?
PharmacoVigilance Pour Tous est né il y a environ deux ans d’abord sous la forme de Scoopit, outil de curation, permettant de sélectionner les articles relatifs à la pharmacovigilance ( alerte, recommandations, retrait du marché etc…) et au médicament issus des sites de la presse grand public ou spécialisée, des sites institutionnels (ANSM, HAS, Ministère de la Santé…) et de les diffuser sur les réseaux sociaux notamment Twitter. Aujourd’hui, j’ai souhaité transformer cette veille en un site « PharmacoVigilance Pour Tous » qui n’a pas la prétention de se substituer aux sites institutionnels, ni de tout révéler sur la pharmacovigilance mais plutôt de le voir comme un site informatif à l’attention des professionnels de santé et des usagers. Je souhaite le faire évoluer avec des podcasts, et des interviews tout comme tu le fais des acteurs du système de santé. L’idée est d’en faire un site vivant où les acteurs, notamment les patients et les professionnels de santé s’y retrouvent.
Ce site Pharmacovigilance Pour Tous est aussi le fruit d’une rencontre inattendue avec un autre passionné de réalisation de projets digitaux, Chanfi Maoulida (Hopitalweb 2.0). Nous avons des points communs: scientifique, monde de la santé et réseaux sociaux.
C’est une plateforme ne bénéficiant d’aucune subvention, gratuite et accessible à tous.
Observatrice de l’e-santé en France depuis de nombreuses années, comment vois-tu évoluer l’e-santé dans les années à venir en France ?
La révolution est en marche c’est indubitable et l’impulsion est d’autant plus marquée avec un acteur de santé de plus en plus présent, au cœur du dispositif: le patient. Toutes les enquêtes menées le confirment, qu’un internaute sur 2 recherche une information santé sur le Web. Les politiques de santé publique amorcent ce virage avec difficulté mais devront prendre en compte l’essor et la puissance de toutes ces nouvelles technologies pour améliorer la gestion des risques et la sécurité des patients. Les industriels ont déjà pris conscience de l’impact digital et s’organisent. L’environnement réglementaire doit évoluer afin de définir une véritable stratégie digitale des acteurs impliqués (autorités de santé, société prestataire, laboratoire).
Pour aller plus loin : @PharmaVig, www.epconsultantsonline.fr , @EVEPIE