{"id":23394,"date":"2025-04-14T07:59:34","date_gmt":"2025-04-14T05:59:34","guid":{"rendered":"https:\/\/buzz-esante.fr\/?p=23394"},"modified":"2025-04-14T08:00:29","modified_gmt":"2025-04-14T06:00:29","slug":"chronique-teleconsultation-en-france-un-potentiel-inexploite-malgre-les-besoins","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/buzz-esante.fr\/chronique-teleconsultation-en-france-un-potentiel-inexploite-malgre-les-besoins\/","title":{"rendered":"[Chronique] T\u00e9l\u00e9consultation en France : un potentiel inexploit\u00e9 malgr\u00e9 les besoins"},"content":{"rendered":"
La Cour des Comptes a publi\u00e9 il y a quelques jours un rapport complet sur les usages de la t\u00e9l\u00e9consultation en France et sa \u00ab\u00a0non\u00a0\u00bb int\u00e9gration dans le syst\u00e8me de sant\u00e9. D\u00e9cryptage d’une r\u00e9volution annonc\u00e9e frein\u00e9e dans son d\u00e9ploiement.<\/strong><\/p>\n La t\u00e9l\u00e9consultation m\u00e9dicale, apr\u00e8s avoir connu un essor fulgurant pendant la crise du Covid-19, stagne aujourd’hui \u00e0 des niveaux bien inf\u00e9rieurs aux attentes initiales. C’est ce que r\u00e9v\u00e8le un rapport de la Cour des comptes publi\u00e9 ce mois-ci, qui dresse un constat s\u00e9v\u00e8re sur l’int\u00e9gration de cet outil dans le syst\u00e8me de sant\u00e9 fran\u00e7ais.<\/p>\n Dans ce rapport, les chiffres parlent d’eux-m\u00eames : de 18 millions d’actes en 2020, le nombre de t\u00e9l\u00e9consultations est retomb\u00e9 \u00e0 12 millions en 2023, repr\u00e9sentant \u00e0 peine 2% de l’ensemble des actes m\u00e9dicaux en France. Un chiffre bien en-de\u00e7\u00e0 des pratiques observ\u00e9es dans d’autres pays europ\u00e9ens, notamment au Royaume-Uni et dans les pays scandinaves.\u00a0\u00ab\u00a0La France dispose pourtant de tous les atouts pour d\u00e9velopper massivement la t\u00e9l\u00e9consultation : infrastructure technique, financements d\u00e9di\u00e9s et besoins territoriaux av\u00e9r\u00e9s\u00a0\u00bb, souligne le rapport. Mais les r\u00e9sultats ne sont pas au rendez-vous.<\/p>\n L’un des probl\u00e8mes majeurs identifi\u00e9s r\u00e9side dans le manque d’adh\u00e9sion du corps m\u00e9dical. De nombreux praticiens continuent d’exprimer des r\u00e9serves quant \u00e0 l’efficacit\u00e9 diagnostique des consultations \u00e0 distance. Le rapport souligne que les communaut\u00e9s professionnelles de territoire, les maisons de sant\u00e9 pluriprofessionnelles ou les h\u00f4pitaux de proximit\u00e9 sont trop peu impliqu\u00e9s. Par ailleurs, l’organisation territoriale autour de cet outil reste d\u00e9ficiente : seules 37 organisations \u00e9taient r\u00e9f\u00e9renc\u00e9es pour g\u00e9rer les exceptions au parcours de soins en septembre 2024, laissant pr\u00e8s des trois quarts des d\u00e9partements sans structure d\u00e9di\u00e9e.<\/p>\n Le rapport met \u00e9galement en lumi\u00e8re un autre paradoxe : alors que la t\u00e9l\u00e9consultation devait prioritairement b\u00e9n\u00e9ficier aux zones sous-dot\u00e9es en m\u00e9decins et aux populations vuln\u00e9rables, ce sont majoritairement des patients jeunes, urbains et connect\u00e9s qui y ont recours.<\/p>\n Le paradoxe est encore plus criant quand on regarde le profil moyen du patient t\u00e9l\u00e9consultant : jeune, urbain, tr\u00e8s connect\u00e9. Les zones prioritaires, les personnes \u00e2g\u00e9es, ou les malades chroniques\u00a0 \u2014 tous identifi\u00e9s comme cibles privil\u00e9gi\u00e9es de la t\u00e9l\u00e9m\u00e9decine \u2014 sont largement absents du paysage. M\u00eame les \u00e9tablissements d\u2019h\u00e9bergement pour personnes \u00e2g\u00e9es d\u00e9pendantes ou les \u00e9tablissements p\u00e9nitentiaires, pourtant concern\u00e9s par des politiques d\u2019\u00e9quipement, restent en retrait. Il ne suffit donc pas d\u2019avoir l\u2019outil : encore faut-il en faciliter l\u2019usage, l\u2019int\u00e9grer aux pratiques de terrain et garantir sa pertinence.\u00a0\u00ab\u00a0Les personnes \u00e2g\u00e9es, les malades chroniques et les d\u00e9tenus, pourtant identifi\u00e9s comme cibles privil\u00e9gi\u00e9es, restent largement absents du dispositif\u00a0\u00bb, pr\u00e9cise la Cour des comptes.<\/p>\n Sur le plan financier, la t\u00e9l\u00e9consultation repr\u00e9sente une part minime des d\u00e9penses de sant\u00e9 : 266 millions d’euros en 2023, soit 3% des montants rembours\u00e9s pour les consultations m\u00e9dicales. Le rapport estime toutefois que cet outil pourrait g\u00e9n\u00e9rer des \u00e9conomies substantielles, notamment en \u00e9vitant certains passages aux urgences – plus de 100 millions d’euros d’\u00e9conomies potentielles par an.\u00a0\u00ab\u00a0Le syst\u00e8me actuel ne permet pas d’exploiter pleinement ces gains d’efficience\u00a0\u00bb, d\u00e9plore la Cour des comptes.<\/p>\n Pourquoi un tel g\u00e2chis ? L\u2019un des principaux freins identifi\u00e9s tient \u00e0 l\u2019absence d\u2019une strat\u00e9gie claire. Qui pilote ? Quels objectifs poursuit-on ? Quelle place veut-on donner \u00e0 la t\u00e9l\u00e9consultation dans le parcours de soins ? Ces questions restent sans r\u00e9ponse tranch\u00e9e. Le minist\u00e8re de la Sant\u00e9 n\u2019assume pas pleinement un r\u00f4le de chef d\u2019orchestre, et les indicateurs de performance sont trop flous pour orienter l\u2019action. R\u00e9sultat : chacun avance en ordre dispers\u00e9, et les initiatives locales, parfois innovantes, peinent \u00e0 \u00eatre g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9es.<\/p>\n La principale critique formul\u00e9e par les magistrats financiers concerne l’absence d’une gouvernance d\u00e9finie et d’objectifs pr\u00e9cis. Le minist\u00e8re de la Sant\u00e9 n’assumerait pas pleinement son r\u00f4le de pilotage, laissant les initiatives locales se d\u00e9velopper sans coh\u00e9rence d’ensemble.<\/p>\n Quant au cadre juridique, il oscillerait \u00ab\u00a0entre rigueur excessive et assouplissements timides\u00a0\u00bb, freinant l’exp\u00e9rimentation tout en cherchant \u00e0 \u00e9viter les d\u00e9rives, notamment celles de certaines plateformes commerciales accus\u00e9es de prescription excessive. La Cour des comptes appelle d\u2019ailleurs \u00e0 reconsid\u00e9rer certaines r\u00e8gles, comme la condition d\u2019absence de m\u00e9decin traitant pour autoriser la t\u00e9l\u00e9consultation dans les zones prioritaires, ou encore \u00e0 \u00e9largir le plafond d\u2019activit\u00e9 autoris\u00e9e en t\u00e9l\u00e9consultation pour les m\u00e9decins retrait\u00e9s.<\/p>\n Des assises de la t\u00e9l\u00e9consultation sont annonc\u00e9es pour l’\u00e9t\u00e9 2025. L’occasion, selon la Cour des comptes, de repenser en profondeur l’int\u00e9gration de cet outil dans le syst\u00e8me de sant\u00e9 fran\u00e7ais. Parmi les pistes \u00e9voqu\u00e9es : reconsid\u00e9rer certaines r\u00e8gles restrictives, comme la condition d’absence de m\u00e9decin traitant pour acc\u00e9der \u00e0 la t\u00e9l\u00e9consultation dans les zones prioritaires, ou encore \u00e9largir le plafond d’activit\u00e9 autoris\u00e9e pour les m\u00e9decins retrait\u00e9s pratiquant la t\u00e9l\u00e9m\u00e9decine.\u00a0\u00ab\u00a0L’enjeu n’est plus de consid\u00e9rer la t\u00e9l\u00e9consultation comme une solution de secours pour p\u00e9riodes exceptionnelles, mais bien comme un maillon essentiel du syst\u00e8me de sant\u00e9 au service de l’\u00e9quit\u00e9 territoriale\u00a0\u00bb, conclut le rapport.<\/p>\n La France ne peut plus se contenter de regarder la t\u00e9l\u00e9consultation comme un simple filet de s\u00e9curit\u00e9 pour p\u00e9riodes exceptionnelles. Elle doit devenir un maillon fort du syst\u00e8me de sant\u00e9, au service de l\u2019\u00e9quit\u00e9 territoriale et de l\u2019efficience. Encore faut-il l\u2019int\u00e9grer pleinement, l\u2019encadrer intelligemment et l\u2019orienter avec ambition. L’outil est l\u00e0. Reste \u00e0 s\u2019en emparer pour en faire une solution durable, \u00e9quitable et responsable.<\/p>\n R\u00e9my Teston<\/strong><\/em><\/p>\n<\/p>\n