Les derniers jours de mars ont été l’occasion de plusieurs annonces importantes pour le développement du numérique santé en France : lancement du dispositif PECAN et l’entrée en droit commun de la télésurveillance. Décryptage.
On avance ! Depuis de nombreuses, le déploiement du numérique santé est freiné par l’absence de cadre favorisant le développement des usages auprès des professionnels de santé, des patients et de l’ensemble des usagers. Les annonces de la fin mars donnent un cadre propice au déploiement de solutions digitales et connectées pour l’optimisation de la prise en charge du patient, le suivi ambulatoire, la télésanté ou l’aide à la pratique médicale.
Reste maintenant à concentrer les efforts sur l’accompagnement, la formation et l’éducation des professionnels de santé et patients dans l’appropriation de ces nouvelles solutions !
PECAN : lancement de la prise en charge anticipée des dispositifs médicaux numériques
Instaurée par la loi de financement de la sécurité sociale 2022, la prise en charge anticipée numérique (PECAN) permet aux patients de bénéficier rapidement des avancées médicales numériques innovantes. Cette action s’inscrit dans le cadre de la stratégie d’accélération « Santé numérique » qui vise à préparer l’avenir et à faire de la France un leader en santé numérique.
La prise en charge anticipée numérique (PECAN) est prévue par l’article 58 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Le décret du 31/03/2023 en précise les modalités d’application et permet dès maintenant aux exploitants de déposer leur candidature auprès des ministères chargés de la santé et de la sécurité sociale.
Ce processus dérogatoire permet aux patients de bénéficier de façon anticipée d’une prise en charge par l’Assurance Maladie pour un dispositif médical numérique présumé innovant de télésurveillance médicale ou à visée thérapeutique, dès lors que celui-ci est prescrit par un médecin. Un accès rapide à l’innovation est permis, avec pour exigences que les entreprises fournissent les données nécessaires à l’évaluation du dispositif médical et que ce dernier soit déjà conforme aux exigences de sécurité.
Cette période dérogatoire d’un an donne l’occasion aux exploitants de débuter un déploiement opérationnel tout en finalisant leur demande de prise en charge de droit commun. Cette demande devra être déposée avant la fin de la période dérogatoire afin de pérenniser le remboursement du dispositif médical numérique.
France Biotech salue le signal fort de la SASN France 2030 envoyé à la filière afin de gagner en vélocité et en efficience dans le déploiement sur le territoire des dispositifs médicaux numériques (DTx ou de télésurveillance médicale) au bénéfice des patients et du système de soins.
La PECAN s’adresse aux dispositifs médicaux numériques présumés innovants :
- à visée thérapeutique et qui ont vocation à être inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR)
- ou permettant une activité de télésurveillance médicale et qui ont vocation à être inscrits sur la nouvelle liste des activités de télésurveillance médicale (LATM)
Les dispositifs candidats doivent faire preuve d’un certain niveau de maturité :
- bénéficier d’un marquage CE médical en cours de validité dans l’indication considérée, quelle que soit la classe de risque du DM
- être présumés innovants, notamment en termes de bénéfice clinique ou de progrès dans l’organisation des soins d’après les premières données disponibles et compte tenu d’éventuels comparateurs pertinents
- être en mesure d’apporter les preuves du bénéfice de sa solution dans les délais impartis pour que la HAS puisse se prononcer sur l’intérêt de la solution avant la fin de la période dérogatoire
- être en conformité avec le référentiel d’interopérabilité et de sécurité des DMN établis par l’Agence du numérique en santé pour garantir l’échange, le partage, la sécurité et la confidentialité des données de santé des patients
Afin de réduire les délais, les agences compétentes réalisent une évaluation en 60 jours, menée en parallèle :
- l’Agence du Numérique en Santé (ANS) vérifie la conformité de la solution sur la base du référentiel d’interopérabilité et de sécurité des DMN, approuvé par l’arrêté du 22/02/2023, les candidatures sont à déposer sur la plateforme Convergence ;
- la Haute Autorité de Santé (HAS) se prononce notamment sur la présomption d’innovation de la solution numérique dans l’objectif d’améliorer la prise en charge des patients par l’assurance maladie. Les candidatures sont à déposer sur la plateforme EVATECH afin d’être évaluées par la commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDiMTS).
Sur la base de ces avis, la décision de prise en charge anticipée numérique est prononcée dans les 30 jours par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.
Pour accompagner les candidats sur ce nouveau mode de prise en charge, la plateforme G_NIUS est à disposition.
La Télésurveillance entre dans le droit commun
Depuis 2014, la télésurveillance a fait l’objet d’une expérimentation, intitulée « ETAPES » qui a permis sa prise en charge dérogatoire dans cinq pathologies chroniques : diabète, insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, insuffisance respiratoire, et prothèses cardiaques implantables.
Pour rappel, la télésurveillance permet à un professionnel médical d’interpréter à distance les données de santé du patient, recueillies sur son lieu de vie, et de prendre des décisions relatives à sa prise en charge. L’objectif est ainsi d’améliorer le suivi des patients grâce à une prise en charge médicale interactive et personnalisée à distance, de prévenir les complications notamment en limitant le risque d’hospitalisation, d’améliorer leur qualité de vie, d’assurer une prise en charge au plus près du lieu de vie et de renforcer la coordination des professionnels de santé autour du patient.
En parallèle du programme ETAPES, l’article 51 a permis la mise en place d’expérimentations à l’échelon territorial comprenant de la télésurveillance, dans le champ du diabète gestationnel, l’insuffisance cardiaque sévère, ou encore en ophtalmologie.
L’article 36 de la loi financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2022 a créé un modèle inédit de prise en charge de droit commun spécifique à la télésurveillance, associant la rémunération du suivi médical réalisé par un opérateur de télésurveillance et celle du dispositif médical numérique associé.
Afin d’assurer la qualité de la prise en charge et la sécurité des patients, cette prise en charge est subordonnée à une évaluation favorable de la Haute Autorité de santé et à une conformité des solutions numériques aux référentiels d’interopérabilité et de sécurité établis par l’Agence du numérique en santé.
Deux décrets d’application ont été publiés en décembre 2022 :
- un décret d’application en Conseil d’État sur les modalités d’évaluation, d’inscription au remboursement et de prise en charge des activités de télésurveillance médicale
- un décret simple sur la déclaration des activités de télésurveillance médicale des opérateurs aux agences régionales de santé
Pour compléter ces aspects réglementaires, des arrêtés tarifaires ont été publiés. Ils définissent les différents forfaits prévus, mais également l’instauration d’un comité de suivi permettant d’attester une volonté commune d’assurer la mise en place et l’implémentation de cette activité en droit commun.
Les échanges avec les différentes acteurs concernés ont débouché sur la signature le 30 mars d’un accord entre le ministère de la Santé et de la Prévention et les représentants d’exploitants de dispositifs médicaux numériques de télésurveillance médicale. Cet accord a pour objectif d’accompagner, dans un esprit de concertation, le déploiement de la télésurveillance médicale en France
Pour les acteurs présents dans le cadre expérimental ETAPES, la transition est possible au 1er juillet 2023. Les autres solutions de télésurveillance peuvent dès à présent entamer les démarches pour une inscription avec une visibilité claire sur l’ensemble des éléments réglementaires et tarifaires présents.
Sources : Agence du Numérique en Santé, Ministère de la Santé et de la Prévention