Le 11 mai dernier s’est déroulée la conférence #Sim4Health organisée par Interaction Healthcare et son département de simulation numérique en santé Sim for Health. Retour sur cet évènement avec Jacques Lucas, Vice-Président du Conseil National de l’Ordre des Médecins, Délégué Général aux systèmes d’information en santé.
Bonjour Jacques. Vous étiez présent à la conférence #sim4health organisée par le département de simulation numérique en santé de Interaction Healthcare. Qu’avez-vous retenu de cet évènement ?
Aujourd’hui, les espaces dédiés comme les mannequins, objets et outils utilisés pour la simulation reproduisent presque exactement l’environnement réel pour la mise en situation des étudiants. Il en est de même pour les cas simulés sur l’ordinateur, ce qui permet une attitude interactive. Je me suis rendu à Brest très récemment pour me placer en situation réelle de simulation. C’est tout à fait remarquable. Et ce que j’ai pu voir à la conférence d’Interaction Healthcare m’a impressionné. En plus j’y ai rencontré beaucoup d’adeptes très engagés concrètement dans leurs facultés, du professeur à l’étudiant en formation.
Les facultés vont devoir intégrer plus largement encore ces moyens de formation qui permettent aussi, et cela m’a frappé, de l’inter formation entre les étudiants. J’ai donc été très heureux d’intervenir lors de cette conférence et plus encore de noter, dans les échanges qui ont suivis, que le discours de l’Ordre avait reçu un accueil chaleureux et très constructif, y compris dans le contradictoire.
La simulation numérique en santé va-t-elle de plus en plus impacter la formation initiale et la formation continue des médecins ?
Certainement. Des moyens et des crédits devront être dégagés afin que les premiers gestes ou les premières mises en situation soient aussi proches du réel que possible, mais ne soient pas réalisés d’emblée sur le patient. C’est le cas pour tous les gestes, même si les touchers pelviens en ont fait particulièrement prendre conscience. Je pense qu’il faut bien distinguer dans la formation initiale ce qui relève de l’apprentissage technique par simulation de ce qui va relever ensuite du compagnonnage dans des situations réelles.
Là aussi, le jeune externe ou interne ne doit pas être laissé seul dans le passage du geste appris par simulation au geste qu’il va réaliser en vrai pour la première fois. Ce qui change alors radicalement c’est que le consentement de la personne doit être demandé après l’avoir informé de ce qui va être réalisé. C’est pour cela que la fonction universitaire de Chef de clinique avait été associée à celle d’Assistant des Hôpitaux, il faut le rappeler car cela a été un peu oublié.
En matière de formation continue, de développement professionnel continu comme on dit maintenant, c’est un peu pareil. De nouvelles techniques apparaissent. Pour les appliquer dans leur exercice professionnel, des médecins demandent à se former par simulation avant de « passer à l’acte ».
Quel regard portez-vous sur l’émergence de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée ?
Mes réflexions sur ce sujet ont été partagées par un jeune interne fort brillant lors de la conférence. Puisque cette prise de conscience existe et est publiquement assumée, cela me confirme dans l’opinion que j’ai que la génération des jeunes médecins n’est pas étourdie et a autant de préoccupations éthiques et humanistes que nous en avions. C’est également bon que je le dise publiquement, en tant que représentant de l’Ordre, afin de ne pas succomber à la pratique désuète de vouloir affirmer sans discussion ce qui est bien et « faire la morale », au prétexte que tout irait mal avec le numérique en santé…
Le CNOM s’intéresse beaucoup au sujet du numérique et de son impact sur la pratique des médecins (code déontologie sur le web, livre blanc sur la santé connectée, webzine…). Quelle est la position du CNOM sur ce sujet de la simulation numérique en santé ?
Je pense que ce que je viens de vous dire répond déjà en partie à votre question. J’ajouterai que lors de la formation initiale on doit enseigner au futur médecin, y compris par l’exemple des comportements de l’équipe médicale, que le patient qui est pris en charge et que l’on soigne est sujet de soin, dans sa dignité de personne. Demander à un patient qu’un étudiant l’examine ne rencontre habituellement aucune réticence, si cet étudiant est accompagné, surtout s’il a déjà fait son apprentissage de base par simulation de situations ou de réalisation de gestes techniques.
Plus généralement, quelles évolutions technologiques auront le plus d’impact sur la pratique des médecins dans les années à venir ?
Il y a encore aujourd’hui des médecins qui regardent les technologies numériques avec une grande réserve en pensant que la technologie ne remplacera jamais la relation humaine. Ils ont tout à fait raison de penser cela et de le dire. Ils auraient toutefois tort d’en rester là. Ils devraient chercher à déterminer eux-mêmes, par leurs organisations professionnelles, leurs sociétés savantes, leur Ordre professionnel, comment intégrer les aspects bénéfiques du numérique dans leurs pratiques individuelles et collectives.
C’est à travers l’histoire de la médecine que l’on voit que les médecins ont toujours intégré dans leur pratiques, depuis Hippocrate, Galien et toutes autres grandes figures du cours du temps, les nouveaux moyens qui leur ont été proposés ou qu’ils ont eux-mêmes inventés. Aujourd’hui c’est le numérique qui va réaliser une révolution. Il faut être préparé et prêt. C’est un des objectifs du CNOM que d’essayer d’en tracer le plus lucidement possible les bénéfices pour les patients comme pour les médecins et d’en évoquer aussi des risques pour les éviter voire pour les combattre. A ce propos, voyez-vous, les rayons X peuvent représenter historiquement, et toutes proportions gardées, une assez bonne analogie …