Owkin a annoncé le lancement de K Pro, son copilote qui apporte une IA agentique avancée à la recherche biomédicale et au développement de médicaments. Découverte.
Owkin passe à la vitesse supérieure. À l’occasion d’ESMO 2025, la scale-up franco-américaine dévoile K-Pro, une plateforme d’IA « agentique » pensée comme un co-pilote pour les équipes R&D, business et investissement dans l’industrie pharmaceutique et les biotechs. L’ambition : transformer, en langage naturel, des masses de données biologiques et cliniques en hypothèses actionnables, afin d’orienter plus vite les choix de découverte, de biomarqueurs, de design d’essais et de priorisation de portefeuille.
Owkin revendique un changement de paradigme : des agents capables de raisonner « biologiquement », au-delà du simple résumé statistique, pour fournir des « decision-grade insights » à un rythme compatible avec les arbitrages de pipeline.
Au cœur du dispositif se trouve OwkinZero, présenté comme un modèle de « raisonnement biologique » entraîné sur plus de 300 000 paires de questions-réponses vérifiées couvrant huit tâches biomédicales clés. Ce moteur, qui s’appuie sur des jeux de données propriétaires et des données patient multimodales (transcriptomique spatiale et bulk, notamment), alimente K-Pro et lui confère, selon Owkin, une performance supérieure pour la déduction mécanistique et l’interprétation des signaux. L’entreprise défend l’idée qu’un LLM verticalisé, nourri de corpus curés et traçables, peut produire des explications plus « ancrées » biologiquement que les grands modèles généralistes.
La nouveauté n’est pas seulement le modèle, mais l’orchestration « agentique ». K-Pro s’organise en « Agentic Spaces » no-code où des agents spécialisés explorent les données, génèrent des visualisations, répliquent des analyses, comparent des hypothèses, puis activent des tâches en chaîne pour aller du signal à l’action (par exemple du repérage d’un biomarqueur à son évaluation de faisabilité dans un essai). L’interface promet une requête en langage naturel et des sorties sourcées, avec un accent mis sur la vitesse d’itération et la lisibilité pour des équipes pluridisciplinaires.
Côté cas d’usage, le spectre est large : exploration mécanistique et « target deconvolution », évaluation comparative de biomarqueurs, mapping des paysages compétitifs, stress-test d’options de design d’essais ou de stratégies d’enrôlement. Owkin positionne K-Pro comme une plateforme d’entreprise (pour big pharma, biotechs et même investisseurs) capable de raccourcir les boucles de décision et d’augmenter la « hit rate » clinique en évitant des impasses coûteuses à un stade trop avancé. Le tout avec une promesse de qualité de données « patient-grade » intégrées et enrichies pour l’usage par des agents.
L’arrivée de K-Pro intervient dans un moment charnière où l’IA générative sort des POC pour entrer dans les flux réels de R&D. L’angle « agentique » (des systèmes qui poursuivent proactivement un but, planifient des étapes et agissent de manière semi-autonome) soulève autant d’espoirs que de responsabilités. En recherche biomédicale, la valeur ne se mesure pas seulement en pages de synthèse mais en qualité d’inférences, robustesse des explications et traçabilité des données sources qui ont conduit à une recommandation. Owkin, qui milite pour une IA « expliquée par la biologie », tente de se distinguer sur ce terrain où beaucoup de modèles peinent encore.
Pour l’écosystème européen, plusieurs enjeux se dessinent. Le premier est celui de la preuve d’impact : il faudra documenter, au-delà du discours produit, des gains concrets sur la découverte de cibles, la sélection de biomarqueurs, la conception d’essais et, in fine, le taux de succès clinique. Des études avant/après sur des portefeuilles réels, des métriques partagées et des exemples de décisions modifiées seront attendus par les directions R&D et les comités d’investissement.
Le deuxième enjeu touche à la gouvernance des données : si K-Pro s’appuie sur des données patient de haute qualité, leur provenance, leur conformité et leur segmentation d’usage devront être parfaitement alignées avec le RGPD et le futur Espace européen des données de santé, notamment pour les données multimodales.
Le troisième enjeu est la responsabilité scientifique : explicabilité des chaînes de raisonnement, mesure des biais et gestion des hallucinations, auditabilité des « prompts » et des agents, et articulation claire entre recommandations de l’outil et arbitrages humains. Ces questions ne sont pas spécifiques à Owkin mais conditionneront l’adoption à grande échelle de tout co-pilote d’IA en R&D.
Reste la dimension opérationnelle. Les promesses de « no-code » et de « natural language » sont bienvenues, mais l’atterrissage dans les environnements pharma est exigeant : intégration avec les lacs de données et notebooks existants, gestion des droits et des périmètres d’accès, compatibilité avec les environnements on-prem ou cloud souverain, et continuité avec les chaînes d’analyse statistique réglementaire. L’arbitrage entre vitesse d’itération et gouvernance GxP sera déterminant pour que l’agent ne reste pas cantonné à l’idéation mais irrigue les décisions qui engagent du capital et du risque clinique.
En se présentant comme « premier co-pilote agentique pour la biopharma », Owkin pose un jalon dans la course aux copilotes spécialisés. Si K-Pro tient ses promesses (qualité de raisonnement biologique, traçabilité, vitesse, intégration) il peut aider des équipes à dérisquer plus tôt, mieux prioriser et accélérer des programmes. La balle est désormais dans le camp des preuves d’usage et des intégrations industrielles. Entre accélération et exigence de confiance, l’issue se jouera sur le terrain des résultats partagés, des audits méthodologiques et des bénéfices tangibles sur le pipeline.
Source : Owkin