Face au déploiement du numérique et de l’intelligence artificielle dans le domaine de la santé, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) émet un avis qui identifie des priorités pour mettre le numérique au service de l’amélioration de notre système de santé. Décryptage.
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) vient de publier un avis percutant sur le développement du numérique et de l’intelligence artificielle dans le domaine de la santé. Intitulé « Pour un numérique en santé souverain, de confiance et inclusif », ce document dresse un état des lieux préoccupant et avance sept priorités pour que ces technologies servent véritablement le système de santé français, sans en trahir les fondements.
Dès les premières lignes, le CESE affirme une position claire : le virage numérique ne peut se faire au détriment de l’éthique et de l’humain. Pour l’institution, toute décision publique en matière de numérique en santé doit reposer sur cinq principes fondamentaux : la prévention, l’accès universel aux soins, la qualité et la continuité des parcours de santé, le maintien du lien humain, et la prise en compte des perspectives des usagers comme des professionnels. Ce socle éthique est présenté comme un préalable indispensable à toute politique numérique.
L’enjeu de la souveraineté technologique occupe une place centrale dans cet avis. Le CESE exprime une vive inquiétude quant à l’hébergement actuel des données de santé sur des infrastructures étrangères potentiellement soumises à des législations extracommunautaires, notamment américaines. Il appelle à une migration urgente de la plateforme des données de santé Health Data Hub vers un cloud souverain européen ou français, et ce d’ici fin 2025.
Cette exigence de souveraineté va de pair avec une demande forte de renforcement des moyens de contrôle de la CNIL. Le CESE estime que la Commission nationale de l’informatique et des libertés n’est pas aujourd’hui en mesure de suivre efficacement la prolifération des projets numériques en santé. Une hausse de ses ressources financières et humaines est jugée indispensable pour garantir le respect des droits des citoyens.
Sur le plan européen, l’institution défend la création d’un fonds de souveraineté dédié au financement des infrastructures stratégiques, dont celles liées à la santé numérique. Ce levier financier permettrait de réduire la dépendance technologique de l’Union tout en stimulant l’innovation locale.
Mais la réussite du virage numérique dépendra avant tout de la confiance des usagers. Or celle-ci est loin d’être acquise. Pour y remédier, le CESE propose d’améliorer la transparence dans l’espace numérique personnel des citoyens, « Mon espace santé ». Il recommande d’y inclure des explications claires sur les usages des données, les projets de recherche qui les mobilisent et les résultats obtenus. L’ajout de services utiles, comme la prise de rendez-vous médicaux, pourrait aussi renforcer l’adhésion des citoyens, à condition de préserver la gratuité de la plateforme.
Autre volet crucial : la prévention. Le CESE invite les pouvoirs publics à ne pas réduire le numérique en santé à une logique de gestion des soins. Il plaide pour que les outils numériques et l’intelligence artificielle soient pleinement mobilisés au service de la prévention, en particulier pour repérer les populations à risque et agir en amont.
Enfin, l’avis se penche sur la fracture numérique. Près de 13 millions de Français sont encore éloignés du numérique. Pour le CESE, il est impératif de développer des dispositifs d’accompagnement, notamment à travers le maillage territorial des structures de médiation numérique. Une attention particulière doit être portée aux personnes âgées, aux personnes en situation de handicap, ou vivant dans des zones rurales.
Le message est clair : le numérique et l’IA ne sont pas une baguette magique pour résoudre les maux du système de santé. Mais, bien encadrés, transparents, éthiques et inclusifs, ils peuvent devenir des leviers puissants de transformation positive. Pour cela, il faudra faire des choix politiques forts. Et rapidement.
Source : Conseil économique, social et environnemental (CESE)