La France se dote d’une stratégie ambitieuse pour bâtir une intelligence artificielle souveraine, éthique et performante grâce aux données de santé. Présentation.
Le ministre chargé de la Santé et de l’Accès aux soins, Yannick Neuder, a réuni le 1er juillet un Comité stratégique exceptionnel pour annoncer les premières étapes de la stratégie nationale en matière d’intelligence artificielle et d’utilisation secondaire des données de santé.
Face à l’essor mondial de l’intelligence artificielle (IA) et à la nécessité de renforcer la souveraineté sanitaire et numérique de la France, le gouvernement vient de publier la stratégie nationale « Intelligence artificielle et données de santé » pour la période 2025-2028. Ce plan vise à tirer le plein potentiel du patrimoine unique que constituent les données de santé françaises tout en garantissant la confiance des citoyens et la sécurité de leurs informations médicales.
Le ministre chargé de la Santé, Yannick Neuder, affirme dans son éditorial que « le développement de l’IA en santé promet un gain de temps pour les professionnels, une amélioration de l’efficience et une meilleure prise en charge des patients ». Pour réaliser ces promesses, il insiste sur la nécessité de disposer de données de santé précises et de qualité, capables d’alimenter des modèles d’IA performants, tout en restant fidèles aux exigences éthiques et réglementaires françaises et européennes.
Dans ce cadre, la France se dote d’un Forum des parties prenantes inspiré du modèle prévu dans le cadre du règlement pour un espace européen des données de santé (EEDS), permettant d’associer l’ensemble des parties prenantes aux décisions stratégiques concernant l’usage des données de santé en France. Cette instance stratégique permettra de faire dialoguer producteurs et ré-utilisateurs de données, en associant l’ensemble des acteurs aux orientations nationales à travers des collèges consultatifs : établissements de santé, professionnels de santé, recherche publique, industriels et filières, patients et usagers.
Un double défi : organiser l’usage des données et encadrer l’IA
La stratégie comprend deux volets indissociables. D’une part, construire un patrimoine national solide de données de santé, et d’autre part, développer une IA de confiance au service de la médecine.
Côté données, la France capitalise sur le Système National des Données de Santé (SNDS), une infrastructure unique au monde, enrichie depuis 2019 grâce à la Plateforme des Données de Santé (PDS). Le plan prévoit notamment la création d’un « répertoire national des ensembles de données » pour cartographier les bases disponibles, améliorer leur interopérabilité et garantir un accès plus transparent aux porteurs de projets.
La mise en œuvre du règlement européen sur l’Espace Européen des Données de Santé (EEDS), entré en vigueur en mars 2025 et applicable en 2029, constitue un autre levier majeur. Il impose la réutilisation par défaut des données pseudonymisées ou anonymisées, et fixe des délais stricts (8 à 9 mois maximum) pour répondre aux demandes d’accès. Pour anticiper ce cadre, la France prévoit de désigner un Organisme Responsable de l’Accès aux Données (ORAD) et d’établir des règles de redevances couvrant les frais de préparation des données, en ligne avec le règlement européen.
Ce plan détaille quatre axes principaux pour organiser le patrimoine de données :
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Favoriser la transparence et la confiance des citoyens, avec la création d’un Forum des parties prenantes rassemblant professionnels, patients, chercheurs et industriels. Ce Forum supervisera notamment un portail unique pour l’exercice des droits des citoyens (information, opposition…), garantissant ainsi une meilleure maîtrise individuelle sur l’usage secondaire de leurs données.
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Constituer des bases de données d’intérêt réutilisables, en enrichissant les données existantes, en standardisant les formats (avec des standards comme OMOP ou FHIR) et en rendant les bases interopérables pour faciliter les études multicentriques. Des chantiers spécifiques viseront à améliorer l’appariement entre données de santé et données environnementales, cruciales pour la recherche en santé publique.
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Réunir les conditions nécessaires au partage et à la mise à disposition des données, avec un répertoire national des ensembles de données, un modèle économique durable (soutien financier, redevances) et la mise en place d’infrastructures sécurisées de calcul et d’hébergement, conformes aux référentiels SecNumCloud.
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Faciliter et simplifier l’utilisation des données, en privilégiant les procédures déclaratives plutôt qu’autorisatives pour la CNIL, en créant des espaces d’exploration de cas d’usage innovants (apprentissage fédéré, données synthétiques) et en accélérant l’accès aux données pour les projets à fort impact.
« Nous franchissons aujourd’hui une étape décisive pour faire de la France un leader de la recherche et de l’innovation en santé. En alliant la puissance des données à l’intelligence artificielle, nous faisons le choix de la confiance, de la souveraineté et de l’efficacité au service des patients, des chercheurs et des soignants. » souligne Yannick Neuder, ministre chargé de la Santé et de l’Accès aux Soins.
La plateforme des données de santé a également lancé un appel d’offres pour l’hébergement souverain de la copie du Système National des Données de Santé (SNDS). Ce projet vise à accélérer l’accès aux données pour les projets autorisés, et à désengorger les capacités actuelles de traitement. La mise en service est attendue pour l’été 2026.
Pour Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique, « l’intelligence artificielle en santé porte des perspectives immenses pour mieux soigner. Mais elle ne pourra tenir ses promesses qu’en protégeant les données sensibles qui la nourrissent. La migration de la Plateforme Des Données de Santé (Health Data Hub) vers un hébergement souverain constitue une avancée décisive. »
Une stratégie IA centrée sur des usages prioritaires et une gouvernance éthique
Le volet IA du plan identifie des cas d’usage prioritaires : aide au diagnostic en imagerie, prévention des maladies chroniques, personnalisation des parcours de soins, surveillance épidémiologique, ou encore optimisation des ressources hospitalières. Ces cas feront l’objet de projets pilotes dès 2026.
En parallèle, un cadre éthique rigoureux sera construit, notamment via l’adaptation des référentiels CNIL et l’introduction d’un label de qualité pour les bases de données, afin d’éviter les biais algorithmiques et garantir la représentativité des modèles entraînés sur les données françaises.
Un plan de formation ambitieux sera lancé pour former chercheurs, professionnels de santé, institutions et industriels à l’usage des données de santé et des outils d’IA. Ce programme doit permettre de familiariser l’écosystème aux potentialités et aux bonnes pratiques, pour démocratiser l’IA en santé tout en garantissant un usage responsable.
Le ministère chargé de la Santé et de l’Accès aux soins lance également une consultation publique sur le Chapitre 2 « Intelligence Artificielle au service de la santé », qui se déroulera jusqu’à la fin du mois de septembre. Cette consultation s’inscrit dans une dynamique de co-construction engagée depuis plusieurs mois avec l’ensemble des parties prenantes du secteur. Elle vise à consolider une stratégie fondée sur quatre priorités structurantes :
- clarifier la réglementation et encadrer les usages de l’IA en santé ;
- renforcer l’évaluation des solutions d’IA et leur impact sur le système de soins ;
- accompagner les professionnels et les établissements dans leur appropriation des outils ;
- bâtir un cadre économique durable pour soutenir l’innovation s’appuyant sur l’IA.
Avec ce plan détaillé et concerté, la France entend transformer en profondeur son système de santé. Les données de santé, jusqu’ici sous-exploitées, deviennent un levier majeur pour une IA utile et humaniste. À travers une gouvernance partagée, une sécurisation renforcée et une formation adaptée, la stratégie nationale 2025-2028 place le pays à la pointe de la médecine augmentée par l’intelligence artificielle, au bénéfice des patients, des soignants et de la recherche médicale.