Techtomed a organisé le 4 juillet dernier le chapitre 2 de son évènement dédié aux nouvelles thérapies numériques : Digital Therapeutics France. Retour sur un événement qui met en lumière cette innovation majeure en santé.
Suite au succès de la 1ère édition en 2022, Techtomed a réussi son pari avec cette seconde édition qui a réuni en hybride plus de 200 participants autour des thérapies numériques. Cet événement a permis de comprendre, découvrir, partager, échanger sur l’essor des Thérapies Numériques (DTx) en France, et notamment sur la réalité du développement en France et dans le Monde.
Un événement rythmé par des tables-rondes, des temps d’échanges et de networking, et un village start-up pour découvrir certaines thérapies numériques.
Des tables-rondes thématiques pour décrypter le sujet
Pour favoriser les débats et échanges, le format table-ronde a été privilégié pour cette nouvelle édition afin d’aborder tous les aspects et enjeux des thérapies numériques.
Un panorama sur le développement des DTx à travers le monde
La première table-ronde de la journée « DTx Worldwide : a global picture of DTx access, ramp up and adoption » était animée par Megan Codeur (Digital Therapeutics Alliance) avec la participation de Vincent Vercamer (Délégation au Numérique en Santé), Géraldine O’Neill (IQVIA France), Ludovic Ampe (Neuroventis) et Pierre Alexis Cantegril (Hello Better).
Pour comprendre le marché, Géraldine O’Neill a partagé quelques données d’IQVIA qui démontrent que les thérapies numériques constituent un marché à haut potentiel. Aujourd’hui on dénombre 137 thérapies digitales sur le marché dont 2/3 dans le domaine de la psychiatrie (37%) et de la neurologie (31%).
Les retours d’expérience de Pierre Alexis Cantegril et Ludovic Ampe ont permis de mieux comprendre le déploiement des DTx en Allemagne et en Belgique. Mise en place il y a quelques semaines, la Prise En Charge Anticipée Numérique (PECAN) a été présentée par Vincent Vercamer de la Délégation du Numérique en Santé : objectifs, mode de remboursement, éligibilité… Ce nouveau process a suscité beaucoup de questions. Il se concentre sur la proposition de valeur et les bénéfices patients plus que sur les économies réalisées au niveau du système de santé.
A noter que le DIGA allemand et le PECAN Français fonctionne sur le même principe : des process basé sur la prescription. En Belgique on mise plus sur la combinaison des DTx avec des traitements chimiques. et des collaborations avec l’industrie pharmaceutique.
Sur l’usage, l’Allemagne semble aujourd’hui le pays européen avec le plus haut taux d’adoption des DTx : 40% des médecins ont déjà prescrit des thérapies numériques.
Le développement des usages et l’adoption des DTx
Animée par Cécile Carron de la Carrière (Vidal), la seconde table-ronde « Comment développer les usages et l’adoption des DTx ? » a permis de croiser les points de vue des utilisateurs et prescripteurs avec la participation du Professeur Fabrice Denis (INeS), Hélène Moore (Ethypharm Digital Therapy), Anne Schweighofer (Patient Conseil) et Guillaume Gaud (Continuum+).
Une étude Vidal a été dévoilée sur le niveau de connaissance des DTx par les médecins. En synthèse :
- 54% des médecins ne connaissent pas du tout les thérapies digitales
- 8% des médecins seulement disent avoir déjà prescrit ou utilisée une thérapie digitale
- 26% savent que des DTx sont actuellement disponibles et pris en charge
- 30% des médecins se disent très intéressés par les thérapies digitales
Des chiffres qui démontrent qu’il y a encore du chemin à faire pour acculturer les professionnels de santé à ces nouvelles solutions thérapeutiques.
Au cours des échanges, Hélène Moore a fait une intervention remarquée avec son retour d’expérience sur l’accès au marché de la solution Deprexis et des usages associés. La plus grande barrière au développement des DTx ne vient pas des médecins ni des patients mais de l’accès au marché. Hélène Moore appelle à se fédérer pour simplifier le déploiement des DTx : “Comment mesurer l’impact organisationnel d’une DTx si on bloque l’accès au marché ?”
Pour Fabrice Denis, malgré de nombreuses études randomisées l’accès au marché est toujours aussi compliqué bloquant l’adoption. La formation des médecins doit être une priorité absolue : “si on ne connaît pas on ne prescrit pas“.
Un des éléments clés pour favoriser l’adoption de ces solutions est, selon Anne Schweighofer, de casser les silos et co-construire avec les patients : “F
Le rôle des DTx dans le système de santé
La dernière table-ronde de la matinée, baptisée “Le numérique peut il sauver notre système de santé ?”, était animée par Jérôme Leleu (Simforhealth) avec la participation de Claire Portefaix (Viatris), Etienne Grass (Capgemini), Laure Millet (Institut Montaigne) et Pierre Leurent (Aptar Digital Health).
Il ressort des échanges que les outils numériques doivent être utilisés pour faciliter la prise en charge des patients, réduire la charge administrative qui fait perdre trop de temps aujourd’hui pour se recentrer sur l’humain. Globalement, les outils numériques peuvent aider les professionnels de santé au quotidien, notamment dans les tâches administratives, à la responsabilisation des patients et améliorer le fonctionnement des structures/hôpitaux.
Pour Pierre Leurent, les soins se déplacent de l’hôpital vers les soins de proximité et à domicile où la coordination doit se faire doit se faire via des solutions numériques.
En conclusion, on peut indiquer que le numérique,, et notamment les thérapies numériques, ne résoudra pas à lui seul les problèmes du système de santé mais sera un élément clé de la solution pour l’améliorer et le rendre plus efficace.
La nouvelle réalité des thérapies : Biomarqueurs digitaux, integrated care et médecine personnalisée
Cette table-ronde était animée par Stéphane Tholander (France Biotech) avec Camille Madelon (Capgemini Invent), Laurent Vincent (DomoHealth), Noémie Parker (Hokla) et le Dr. Stéphane Mouchabac (APHP). Elle a mis en lumière les nouvelles formes de thérapies et l’importance des biomarqueurs digitaux.
Pour rappel, les biomarqueurs digitaux sont des mesures physiologiques, comportementales générées par les patients, collectées à partir d’outils numériques (smartphone, objets connectés, site web, réseaux sociaux…) et validées cliniquement. Il existe plus de 2 500 types de données qui pourraient être incluses dans les essais cliniques.
Au cours des échanges, Stéphane Mouchabac a noté qu’aujourd’hui nous sommes en mesure de collecter des données passives qui apportent beaucoup de valeur pour obtenir des informations sur un patient et ses conditions. Le défi consiste à collecter ces données et à les analyser pour leur donner un sens.
Pour Laurent Vincent, le suivi d’une personne aujourd’hui doit être transparent et discret et bien s’intégrer dans la vie de quelqu’un pour relever des problèmes d’observance, par exemple. Il ajoute qu’on s’oriente vers une concentration des solutions : le patient ne peut pas avoir 3 ou 4 solutions différentes pour gérer sa maladie au quotidien. Il faut inclure des usagers et patients à tous les niveaux.
La qualité des données dépend beaucoup de l’appareil souligne Noémie Parker. Les IA génératives aujourd’hui aident vraiment à donner du sens aux données non structurées. Elle indique également que la combinaison de biomarqueurs sera un défi tout comme connecter tous les acteurs de la collecte de la chaîne de données est clé.
L’évaluation des DTx
Une autre table-ronde, animée par Franck Le Meur, s’est intéressée à l’évaluation des DTx avec la participation de Corinne Collignon (Haute Autorité de Santé), Etienne Lepoutre (Bliss DTx), Anouk Trancart (SNITEM) et Sarah Zohar (Inria).
Pour bien comprendre la situation actuelle, Corinne Collignon nous a d’abord rappeler le cadre d’évaluation actuel. Un cadre très calqué sur celui du médicament chimique, ce qui peut proposer quelques limites. Il existe un vrai décalage entre le sujet de l’évaluation et de l’usage.
Pour valider son modèle, une start-up a besoin d’accéder rapidement au marché pour créer des usages et mener des études observationnelles pour obtenir à terme un éventuel remboursement. Aujourd’hui les processus et délais sont trop long et ne sont pas compatibles avec les temps de développement de l’innovation. Conséquences : on risque de se retrouver dans quelques mois face à un cimetière de Start-up. Etienne Le poutre abonde dans ce sens en insistant sur le fait que l’accès au marché est un vrai sacerdoce pour les entrepreneurs de DTx.
Suite aux échanges, on peut s’interroger : l’évaluation sans l’analyse des usages est-elle viable ? Pas usages possibles sans l’évaluation… l’accès semble plus que freiné. On doit adapter les critères d’évaluation dans le temps et pas nécessairement faire évoluer le modèle d’évaluation actuel souligne Sarah Zohar.
Un message clair a été diffusé au cours de ce débat avec un appel aux investisseurs soutenant les entreprises de santé numérique : soyez patient ! Trop souvent, les entreprises lancent des solutions sur le marché poussées par leurs investisseurs sans que la proposition de valeur promise soit au rendez-vous.
Enfin face aux différents niveaux de maturité et aux process d’accès au marché non uniforme suivant les pays, on peut se poser une question : l’harmonisation européenne de l’évaluation des DTx est-elle une utopie ?
Le modus operandi dans la vraie vie…
La dernière table-ronde a porté sur l’ensemble des processus autour des DTx : prescription, distribution, facturation, remboursement… Une table-ronde animée par Véronique Lacam-Denoël (Proxicare) avec Christophe Lapierre (Inter AMC), Dorothée Camus (SNITEM), François Vonthron (Mila) et Nathalie Beslay (BESLAY + AVOCATS).
Plus technique mais essentielle, cette table-ronde a permis de comprendre plus concrètement les étapes clés pour déployer une thérapie digitale avec les conseils juridiques éclairés de Nathalie Beslay et le retour d’expérience de François Vonthron avec sa start-up Mila.
Pour l’accès au marché, le modèle choisi par Mila a été d’intégrer de plusieurs mutuelles en France. Avantages pour eux : valeur différentielle, avantage concurrentiel et offre d’un meilleur service aux utilisateurs finaux.
Ce qu’il ressort également des échanges, c’est qu’il est nécessaire de bien anticiper la partie distribution et d’intégrer toutes les règles de promotion dans son modèle de déploiement. Il faut intégrer toutes les composantes et pas seulement l’objectif du remboursement : la partie prescription et donc la communication auprès des soignants, les réseaux de distribution ou les modèles de facturation. Pour réussir son lancement et son accès au marché, il convient de respecter toutes ces étapes.
Lors de la demande de certification marquage CE, il est indispensable de penser au modèle commercial et au modèle de commercialisation. Il existe certaines règles liées aux dispositifs médicaux sur ce qui peut ou ne peut pas être fait en matière de communication et de marketing.
Le mot de la fin pour Hela Ghariani
Déléguée du Numérique en Santé, au sein du Ministère de la Santé et de la Prévention, Hela Ghariani a conclut l’événement en saluant la mobilisation des acteurs sur ce segment des thérapies digitales et en rappelant les outils déployés pour accompagner les industriels (Convergence) et les entrepreneurs (G_Nius).
L’occasion de présenter également les grands axes de la nouvelle feuille de route du numérique en santé 2023-2027 :
- Développer la prévention et rendre chacun acteur de sa santé
- Redonner du temps aux professionnels de santé et améliorer la prise en charge des personnes grâce au numérique
- Améliorer l’accès à la santé pour les personnes et les professionnels qui les orientent
- Déployer un cadre propice pour le développement des usages et de l’innovation numérique en santé
Un focus sur des start-up
Tout au long de la journée 6 start-up ont pu présenter leurs solutions dans un village dédié aux participants. L’occasion de découvrir des thérapies digitales innovantes et d’échanger avec des entrepreneurs motivés.
Bliss DTx (Digital Therapeutics) : solutions et services de thérapie numérique pour la prise en soin de la douleur à l’hôpital et tout au long du parcours des patients.
Mila : société spécialisée dans le développement d’outils de rééducation par la musique à destination des enfants ayant des troubles « dys ».
Cureety : dispositif médical logiciel marqué CE permettant la surveillance à distance et l’optimisation de la prise en charge de pathologies chroniques complexes, au premier rang desquelles le cancer.
Tilak Healthcare : spécialisée dans le développement d’une plateforme technologique disruptive de jeux vidéo médicaux, prescrits par les professionnels de santé, pour l’accompagnement de maladies chroniques.
Neuroventis : plateforme qui se compose d’applications destinées aux patients (appelées Helpilepsy et MigraineManager) et d’un tableau de bord pour les professionnels de la santé.
Frog : agence conseil mondiale de premier plan en innovation et stratégies d’expériences