[Chronique] Le hashtag a-t-il encore un avenir sur les médias sociaux ?

Dans le monde de la communication le hashtag s’est imposé progressivement dans les campagnes marketing ou dispositifs de médiatisation. Avec l’évolution des plateformes sociales où l’algorithme est roi, le hashtag est-il encore utile ? Avis tranché.

Créé en 2007 sur Twitter (aujourd’hui X) par l’utilisateur Chris Messina, le hashtag # s’est imposé comme un symbole incontournable de la communication digitale. Pendant plus d’une décennie, il a été l’outil par excellence pour classer, amplifier et faire rayonner des contenus sur les réseaux sociaux. Mais à l’heure où les plateformes évoluent rapidement, où l’algorithme devient roi, une question se pose avec de plus en plus d’insistance : le hashtag est-il en train de perdre son utilité, voire son sens ?

Un outil historique en perte de vitesse

Pendant longtemps, le hashtag a joué un rôle central dans la viralité des contenus. Il permettait de regrouper des publications, de rejoindre des conversations et de renforcer la visibilité des messages. Des campagnes militantes (#MeToo, #BlackLivesMatter) aux stratégies de marque (#JustDoIt) en passant par des campagnes virales (#IceBucketChallenge), il était un outil à la fois symbolique et pratique.

Mais ces dernières années, plusieurs signaux indiquent un net recul de son influence.

1/ La montée en puissance des algorithmes : autrefois, les hashtags servaient à organiser le chaos des publications : on les utilisait pour catégoriser manuellement les contenus et permettre aux utilisateurs de naviguer facilement d’un sujet à l’autre. Aujourd’hui, cette fonction est largement assurée et surpassée par les algorithmes de recommandation, qui détectent automatiquement les thèmes, les intentions et les préférences des utilisateurs à partir d’une multitude de signaux (texte, image, son, comportement). Les plateformes comme Instagram, TikTok, ou Facebook ne mettent plus autant l’accent sur les hashtags pour recommander du contenu. Ce sont les algorithmes basés sur les intérêts et comportements des utilisateurs qui prennent le relais, rendant l’usage des hashtags moins stratégique.

2/ L’évolution des usages sur les plateformes : avec le temps, les utilisateurs ont changé leur façon d’interagir avec les contenus. Le scroll est devenu infini, le texte plus court, la vidéo dominante. L’expérience utilisateur est centrée sur la fluidité, et les hashtags, souvent perçus comme artificiels ou encombrants, s’intègrent difficilement dans ce nouveau format de consommation ultra rapide.

3/ LinkedIn déconseille désormais leur usage massif : le réseau professionnel, qui avait pourtant adopté les hashtags depuis 2018, a récemment modifié ses recommandations. Là où la plateforme encourageait activement les hashtags entre 2018 et 2021, elle recommande désormais de limiter leur usage, car ils perturbent la lisibilité du contenu et n’améliorent pas significativement la portée organique. LinkedIn préfère mettre en avant des contenus bien structurés, avec un texte clair et fluide. Les créateurs de contenu sont encouragés à privilégier un texte fluide et naturel plutôt qu’une accumulation de mots-dièses, souvent jugés encombrants ou artificiels.

4/ Bluesky, héritier “décentralisé” de Twitter, les ignore : la nouvelle plateforme sociale promue par Jack Dorsey a fait un choix radical : pas de hashtags. À la place, un système de “tags” et de recherche sémantique plus fin, censé offrir une expérience utilisateur plus intuitive. Le message est clair : l’ère des mots-dièses visibles à l’œil nu pourrait être révolue.

5/ Une perte d’impact sur la visibilité : autrefois, le simple fait d’ajouter un hashtag populaire à un post pouvait suffire à augmenter sa portée. Aujourd’hui, les chiffres sont bien moins convaincants. Plusieurs études ont montré que l’effet d’un hashtag sur la visibilité est marginal, voire nul, selon les plateformes. Sur Instagram, par exemple, certains tests A/B révèlent que des publications sans hashtags peuvent performer tout aussi bien (voire mieux) que celles qui en comportent plusieurs.

En résumé, le hashtag est aujourd’hui victime de sa propre simplification, remplacé par des systèmes plus intelligents, plus subtils et plus efficaces.

Ce qui change : de la classification manuelle à la contextualisation algorithmique

À l’origine, les hashtags étaient le « GPS de l’information sociale » : ils permettaient aux utilisateurs de retrouver des contenus autour d’un sujet donné, de participer à une discussion en temps réel ou de découvrir des tendances. Le fonctionnement était simple, presque artisanal : un utilisateur ajoutait #Diabète, #Vaccin, ou #eSanté, et celui qui cliquait dessus accédait à une galaxie de contenus similaires.

Mais cette mécanique repose sur un effort conscient de la part de l’utilisateur : savoir quoi taguer, comment le formuler, et dans quelle langue. En 2025, ce processus est largement remplacé par des systèmes automatisés beaucoup plus puissants.

Aujourd’hui, les réseaux sociaux analysent les contenus bien au-delà du texte visible. Grâce à l’intelligence artificielle, ils peuvent :

  • identifier des objets dans les images (ex. : un stéthoscope, un logo, un graphique)
  • reconnaître des voix ou des sons (ex. : une interview, un bruit de dispositif médical)
  • comprendre le ton et l’émotion d’une vidéo
  • interpréter les thèmes implicites d’un contenu

Par exemple, une vidéo Instagram parlant de prévention cardiovasculaire peut être proposée à des utilisateurs intéressés par la santé même sans aucun hashtag. L’algorithme fait le tri, le lien, le ciblage.

Autre changement majeur : la découverte devient passive. L’utilisateur n’a plus à taper un hashtag pour chercher un sujet, le contenu vient à lui, en fonction de ses goûts, de ses précédentes interactions, de ses abonnements et de son comportement global sur la plateforme.

C’est un changement de paradigme : là où le hashtag fonctionnait comme une pancarte (« je parle de ce sujet ! »), l’algorithme agit comme un radar invisible.

Pour autant, faut-il enterrer définitivement le hashtag ?

Non, car même affaibli, le hashtag conserve plusieurs fonctions qui dépassent la simple découverte algorithmique.

Il reste un marqueur culturel et identitaire. Dans les mouvements militants ou communautaires, le hashtag reste un outil de ralliement fort. Il agit comme un cri collectif, une bannière numérique. Des hashtags comme #JeSuisCharlie ou #Metoo, ont marqué des moments de bascule dans l’espace public. Ils ne servent pas uniquement à trouver de l’information, mais à montrer son appartenance, à s’unir autour d’une cause.

Sur certaines plateformes comme Instagram, TikTok ou X, les hashtags jouent encore un rôle dans la structuration de certaines communautés de niche (fitness, éducation, santé mentale, healthtech…). Par exemple, un #SantéNumérique ou #DigitalTherapeutics peut être utile pour rejoindre un univers de contenu spécifique si l’algorithme n’a pas encore assez de données sur un compte. De plus, certains hashtags permettent encore de participer à des challenges, des tendances, ou des campagnes temporaires.

Enfin, sur le plan du référencement social (social SEO), certains hashtags bien placés peuvent aider à faire apparaître un contenu dans les résultats de recherche. C’est particulièrement vrai sur YouTube ou Pinterest, où les utilisateurs effectuent des recherches par mot-clé. Néanmoins, il s’agit ici d’une utilité ponctuelle, complémentaire, et non d’un levier principal.

Vers une “ère post-hashtag” ?

Il est probable que nous entrions dans une nouvelle phase : l’ère post-hashtag. Une ère où les plateformes, de plus en plus intelligentes, n’ont plus besoin que les utilisateurs “labellisent” leurs publications à l’aide de dièses. Une ère où la fluidité, l’émotion, l’authenticité du contenu priment sur la structuration rigide en catégories.

Mais comme tout outil culturel, le hashtag pourrait survivre sous d’autres formes :

  • dans le langage courant
  • comme objet esthétique ou humoristique (certains créateurs s’en servent pour renforcer un ton ironique ou nostalgique)
  • ou comme symbole générationnel dans la mémoire collective du web

En conclusion, le hashtag, tel que nous l’avons connu, est clairement en déclin. Il n’est plus l’outil central de viralité ou de visibilité sur les réseaux sociaux dominés par les algorithmes. Mais il reste un marqueur culturel, un outil de ralliement et, dans certains contextes, un levier de communication toujours pertinent.

Alors, a-t-il encore un avenir ? Oui, mais un avenir transformé. Le hashtag ne disparaît pas : il mute.

Rémy Tetson

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