[Chronique] Bienvenue dans la toile du réglementaire !

Poursuite des chroniques pour décrypter les enjeux autour du numérique santé. Aujourd’hui, je vous propose une chronique autour de la toile du réglementaire face à laquelle sont confrontés les entrepreneurs.

Dans l’imaginaire collectif, la santé numérique évoque l’agilité des start-up, la créativité débordante de jeunes pousses et la promesse d’innovations capables de transformer le quotidien des patients comme des soignants. Mais derrière cette image séduisante se cache une réalité plus rugueuse : celle d’un labyrinthe réglementaire où chaque pas se heurte à des acronymes, des procédures, des autorités multiples et des temporalités souvent bien éloignées de celles du marché.

Pour un entrepreneur en e-santé, le parcours commence généralement avec la question qui obsède : mon dispositif ou mon logiciel relève-t-il de la réglementation des dispositifs médicaux ? Derrière cette simple interrogation se dessine déjà un champ de complexité où la qualification, le marquage CE, les exigences du règlement européen (MDR) et l’évaluation clinique s’entremêlent. Les porteurs de projet découvrent alors que l’innovation ne suffit pas. Encore faut-il prouver la sécurité, la fiabilité, la robustesse scientifique et l’éthique de la solution.

À cette première marche s’ajoute une deuxième, tout aussi décisive : celle des données de santé. Entre le RGPD, le rôle de la CNIL et les règles propres à l’hébergement de données de santé certifié HDS, les entrepreneurs apprennent vite que manipuler la donnée patient n’est pas un exercice neutre. Le Graal devient la conformité, avec son cortège d’audits, de chartes de sécurité et de démarches de certification. Or, chaque entorse, chaque faille, chaque approximation peut se transformer en épée de Damoclès, menaçant la crédibilité de l’entreprise.

Le parcours ne s’arrête pas là. Car pour entrer véritablement dans l’écosystème de soins, il faut franchir les portes du remboursement et de l’intégration dans les parcours officiels. Cela passe par la Haute Autorité de Santé, par le référencement à Mon Espace Santé, par les appels à projets du Ségur numérique, voire par la participation à des expérimentations dans le cadre de l’article 51. Autant de sésames qui nécessitent patience, ressources financières et une expertise réglementaire que les start-up n’ont pas toujours en interne.

À cette complexité s’ajoute un paysage mouvant. L’Europe avance vers un Espace Européen des Données de Santé, tandis que la France adapte sans cesse son cadre au gré des rapports, plans nationaux et réformes. Les entrepreneurs doivent donc apprendre à naviguer dans un flux permanent de nouveautés réglementaires, souvent contraints d’anticiper des règles encore en construction.

Dans ce dédale, certains voient une entrave à l’innovation, un frein au dynamisme d’un secteur où la vitesse est censée être reine. D’autres y lisent une nécessité, celle de bâtir la confiance sans laquelle le numérique santé ne pourra jamais se généraliser. Loin d’être un obstacle stérile, la réglementation devient alors un passage obligé, presque initiatique, où les plus persévérants trouvent une légitimité et une crédibilité que d’autres secteurs n’exigent pas.

Plonger dans les méandres du réglementaire, c’est finalement comprendre que l’avenir du numérique santé ne se joue pas seulement dans les laboratoires de recherche ou dans les incubateurs de start-up, mais aussi dans les textes, les normes et les commissions d’évaluation. Là se dessine une vérité souvent tue : en santé, l’innovation n’est pas seulement technologique. Elle est aussi réglementaire.

Rémy Teston

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