Le 27 juin 2025 seront lancées les Assises de la télémédecine, un rendez-vous national majeur organisé par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, dans un contexte de tension sur l’accès aux soins. Objectif : structurer une véritable stratégie pour renforcer le rôle de la télésanté en faveur de l’accès et de la coordination des soins.
Alors que plus de 6 millions de Français n’ont toujours pas de médecin traitant et que 29 000 communes sur 35 000 sont classées en zone sous-dotée, la télésanté apparaît plus que jamais comme un levier d’action stratégique. Pourtant, son développement reste entravé par un cadre réglementaire figé, souvent inadapté aux réalités du terrain.
À l’avant-garde de ce mouvement, la Fédération des Médecins Téléconsultants (FMT), fondée en 2024, publie un livre blanc percutant à quelques jours des Assises. Intitulé « Déserts médicaux : 3 propositions pour améliorer la prise en charge des patients », ce document rassemble la voix de plusieurs centaines de médecins salariés des plateformes agréées par le ministère de la Santé (telles que MEDADOM, Qare, Livi, Tessan ou MédecinDirect). Son ambition est claire : débloquer le potentiel de la téléconsultation pour répondre efficacement à la crise d’accès aux soins.
La FMT formule trois mesures phares, à la fois pragmatiques et directement applicables. La première consiste à établir un accord national entre l’Assurance Maladie et les sociétés de téléconsultation agréées. Aujourd’hui encore, ces acteurs restent exclus du cadre conventionnel, bien qu’ils assurent des millions de consultations annuelles, notamment dans les territoires les plus fragiles. L’objectif est de reconnaître leur rôle structurant, d’officialiser leurs modalités d’exercice, de rémunération et de coordination, et de les inscrire durablement dans l’organisation du système de santé.
La deuxième proposition vise à adapter le seuil d’activité autorisé pour les médecins téléconsultants. Actuellement limité à 20 %, ce plafond rigide empêche nombre de praticiens (retraités, jeunes parents, médecins en reconversion ou en situation de handicap) d’exercer de façon souple et adaptée. La FMT plaide pour une levée de cette limite dans les zones sous-dotées, pour les patients sans médecin traitant ou dans des contextes exceptionnels comme les crises sanitaires. Une telle mesure, selon la Cour des comptes, permettrait des économies substantielles (jusqu’à 113 millions d’euros par an) en réduisant les passages évitables aux urgences.
Enfin, la troisième mesure appelle à une intégration pleine et entière de la téléconsultation dans les dispositifs territoriaux. Cela inclut l’interfaçage des plateformes sans rendez-vous avec le Service d’Accès aux Soins (SAS), ainsi que le référencement des 6 500 cabines et bornes de téléconsultation déjà déployées dans les pharmacies et autres points de soins de proximité. Ces dispositifs, souvent les seuls accessibles dans les zones médicalement dépeuplées, sont aujourd’hui invisibles dans les outils de pilotage des soins non programmés.
Au-delà des chiffres (88 % de satisfaction chez les patients, 70 % de médecins ayant recours à la téléconsultation, et plus de la moitié des téléconsultations de permanence des soins assurées par les plateformes) ce sont des témoignages poignants qui soutiennent les revendications de la FMT. Celui d’une médiatrice sans médecin traitant depuis deux ans, d’un maire rural ayant installé une borne de téléconsultation dans sa commune, ou encore d’un médecin urgentiste soulagé de pouvoir soigner hors des murs surchargés de l’hôpital, traduisent une réalité médicale trop souvent ignorée par les politiques publiques.
Le président de la FMT, le Dr Dominique Souvestre, insiste : « Nous sommes des milliers de praticiens à avoir fait le choix d’exercer autrement. Pas par facilité mais bien par conviction. Celle qu’un soin à distance vaut toujours mieux qu’une absence de soin. Des médecins sont prêts à se mettre au service des déserts médicaux mais sont empêchés par des règles qui nous semblent aujourd’hui complètement obsolètes. »
Les Assises de la télémédecine du 27 juin marqueront un moment clé pour repenser l’avenir de la médecine en France. Saurons-nous reconnaître la télésanté non comme une menace, mais comme une réponse moderne, encadrée et solidaire aux fractures du système ? La balle est désormais dans le camp des décideurs.