A la Rencontre de Sébastien Ladet et Affluent Medical

Régulièrement, je vous propose de partir à la rencontre d’un acteur ou d’une innovation du digital santé en France. Aujourd’hui partons à la rencontre de Sébastien Ladet Directeur Général d’Affluent Medical pour parler d’innovation au service des patients.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, Sébastien pourriez-vous rapidement vous présenter ?

Bonjour. Concernant mon parcours, cela fait maintenant 2 ans que je suis à la tête d’Affluent Medical mais cela fait bientôt 20 ans que je suis tombé dans le monde des dispositifs médicaux. J’ai fait 16 ans à peu près chez Medtronic où j’ai notamment passé plusieurs années aux États-Unis dans différents postes autour de la stratégie gestion de portefeuille d’investissement avec des équipes basées aux États-Unis, en Europe ou au Moyen-Orient, et sur le développement de produits jusqu’à la commercialisation.

A la base j’ai un doctorat dans les bio-matériaux déjà appliqués à la médecine puisque j’essayais au début de refaire pousser des vaisseaux sanguins à travers de la thérapie cellulaire donc c’était déjà une expérience très enrichissante. C’était un peu le fil conducteur de mes études à savoir d’être à la frontière de plusieurs disciplines. J’ai fait des études d’étude des matériaux et puis j’ai ajouté la biologie cellulaire avec une collaboration à l’Université Paris Cité rue des Saints-Pères à Paris puis la physique. Avec l’arrivée en entreprise j’ai ajouté d’autres compétences comme le développement produit, le marketing, la clinique, la médecine la finance, et donc une complexité de sujets qui s’agrègent et qui en font des challenges intellectuellement hyper intéressants avec pour mission d’impacter positivement les patients.

Un parcours finalement riche, avec une expérience multidisciplinaire qui me permet de diriger maintenant une société comme Affluent Medical, de vraiment comprendre ce que je fais au quotidien.

Quand on m’a proposé cette opportunité, ce qui m’a vraiment motivé, c’est l’innovation des produits, l’agilité d’une petite structure et de vraiment pouvoir sentir l’impact qu’on a sur les patients au quotidien. Quand je suis arrivé, j’ai souhaité être au bloc opératoire pour voir la 1re implantation de notre valve par exemple. Une expérience enrichissante qui nous rappelle pourquoi on travaille autant d’heures sur ces projets.

 

Spécialiste du dispositif médical, Affluent Medical est une jeune entreprise. Pouvez-vous nous raconter sa genèse et ses missions ?

Affluent Medical est effectivement une jeune entreprise, c’est une medtech en devenir qui a été créée en 2018 par un venture capital, Truffle Capital qui a investi beaucoup dans l’innovation médicale avec pour objectif de venir en rupture de ce qui existait, de prendre des risques. Ils ont notamment été à l’origine de Carmat et de son cœur artificiel.

Sur la même teneur, nous proposons des produits très innovants qui sont le fruit d’une collaboration étroite entre des médecins, des chirurgiens et des ingénieurs permettant de comprendre les besoins et de réaliser des concepts et produits adaptés.

Aujourd’hui, nous sommes 75 personnes, réparties sur 3 sites à Aix-en-Provence (siège légal), Besançon et en Italie à côté de Turin. Contrairement à de nombreuses jeunes medtech, notre particularité est de ne pas avoir qu’un seul produit mais de proposer un portefeuille de 3 produits en développement sur deux aires thérapeutiques. Nous sommes côtés en bourse donc la diversité du portefeuille présente une diminution de risque pour les investisseurs et des opportunités pour avancer et continuer à développer des solutions innovantes, à recruter ou avoir une empreinte sur le territoire où nous sommes.

L’innovation est au cœur de vos activités. Pouvez-vous nous présenter vos activités et pathologies ciblées ?

Avec nos solutions, nous ciblons plusieurs pathologies. Tout d’abord autour de la cardiologie structurelle, c’est-à-dire les différentes parties du cœur, avec 2 produits qui sont à visée de réparation, de remplacement de la valve mitrale pour faire face aux problématiques de fuites de la valve que l’on observe souvent. Aujourd’hui on estime que les personnes qui sont atteintes d’insuffisance mitrale représentent 120 millions de patients dans le monde.

Ensuite nous développons un produit en urologie, autour de l’incontinence urinaire, qui se matérialise comme un implant, un mini-robot qui intègre une composante logiciel qui permet d’ouvrir ou fermer l’urètre du patient ou de la patiente. Sur ce sujet nous parlons d’une prévalence de 400 millions de personnes dans le monde. Donc quand vous faites la somme de tout ça, chez Affluent Medical nous pouvons avoir un impact auprès de 600 millions de patients à travers le monde, ce qui est extrêmement motivant.

Ce qui est donc au cœur de notre mission, c’est de travailler sur des solutions implantables, en s’inspirant de l’anatomie humaine, ajustables et qui permettent de réduire l’impact des chirurgies pour le patient et d’améliorer significativement leur vie.

Le bloc opératoire et le monde de la chirurgie sont des terrains d’innovation perpétuels. Vous proposez des implants et prothèses peu invasifs. Sur quels savoir-faire et expertises vous appuyez-vous ?

Pour proposer ce type de solutions, il est indispensable d’avoir une approche pluri-disciplinaire. Il est important de s’appuyer sur l’expertise de plusieurs domaines donc on travaille en étroite collaboration avec des médecins et des chirurgiens. Il y a des médecins qui sont à l’origine de nos solutions, qui ont travaillé avec des ingénieurs. C’est le cas notamment de notre valve mitrale qui est le fruit d’une collaboration entre un ingénieur et un chirurgien cardiaque, ce qui a permis d’identifier le problème clinique, le problème chirurgical, de travailler sur des innovations pour les résoudre et d’évaluer si les concepts pensés vont fonctionner. C’est un travail qui prend du temps.

Ce qui est très important aujourd’hui, c’est que nos trois produits sont tous en phase clinique. Nous savons que cela va prendre du temps mais il est important de bien valider chaque étape avant d’implanter nos dispositifs chez  des patients. L’implantation ne peut pas se faire sans avoir proprement évalués nos solutions. Ces produits, qui sont développés avec des chirurgiens et des médecins sont très différenciants, c’est ce qui m’a motivé pour me lancer dans cette aventure et rentrer en France.

Par exemple, nous avons deux produits sur la valve cardiaque. Le premier est un anneau mitral utilisé par le chirurgien pour réparer une fuite de la valve mitral et qui a la particularité de pouvoir être réajusté en taille sans refaire d’opération dans le cas de fuites résiduelles ou récurrentes. Cette intervention se fait en anesthésie locale, à cœur battant, le patient est éveillé et en quelques minutes la valve mitrale est réajustée pour effacer une fuite récurrente.

Notre 2eme produit est une valve mitral qui s’implante par voie transcatheter et à cœur battant. Cette solution s’inspire de l’anatomie naturelle, nous n’avons pas de contraintes de réutilisation de technologies donc on développe un produit qui ressemble à la valve native, l’objectif étant de ne pas perturber cet équilibre de la circulation du sang à l’intérieur du cœur qui est extrêmement important et qui fait qu’un patient va vivre plus longtemps avec sa valve.

Concernant notre produit en urologie, il s’agit d’un petit robot qui vient se mettre autour de l’urètre du patient, avec un système implanté au niveau de la partie basse de l’abdomen qui permet avec une télécommande de l’ouvrir ou le fermer. Cela permet au patient de retrouver une continence et surtout d’améliorer sa qualité de vie.

Tous vos produits sont en phases cliniques. Quels sont les retours utilisateurs ?

Nous avons 2 types d’utilisateurs, le chirurgien qui utilise notre solution et le patient qui en bénéficie.

Pour des raisons de confidentialité, nous n’interagissons pas avec les patients mais nous échangeons avec les chirurgiens utilisateurs. Nous avons réalisé plusieurs publications et les retours sur nos trois produits par les chirurgiens sont extrêmement positifs d’un point de vue utilisation, avec une implantation qui ne nécessite pas de  chirurgie lourde, une solution moins invasive et qui permet de changer plus facilement une valve à l’intérieur du cœur. Le gain de temps est également mis en avant.

Pour le sphincter, nous avons eu les premiers retours des essais cliniques lancés en février et ce qui est mis en avant par le chirurgien c’est la simplification de l’intervention au niveau de la préparation et avec moins d’incisions.

Concernant notre dispositif Kalios, notre étude pivot a démontré sur 20 patients 100% d’efficacité.

Pour les deux autres produits (Epygon et Artus) nous sommes en phase pilote. Dans le cas d’une 1ère implantation de la valve Epygon, on a observé de très bons résultats chez une patiente qui a repris ses activités seulement 5 jours après sa sortie du bloc alors qu’elle pouvait à peine sortir de son lit avant l’intervention. On a donc observé une accélération dans la récupération post chirurgie.

Quelles sont les prochaines grandes actualités pour Affluent Medical ?

Pour nous ce qui est important c’est d’avancer dans nos essais cliniques, donc la nécessité de lever des fonds. Nous devons aussi nous préparer à l’industrialisation de nos dispositifs, notre capacité actuelle étant limitée à l’échelle de la centaine de produits par an Nous devons donc trouver les outils industriels appropriés pour passer à la production de plusieurs milliers d’unités par an notamment pour finaliser les essais cliniques.

Ensuite il faut se préparer à la commercialisation donc cela passe par le recrutement d’équipes commerciale et marketing pour se déployer dans un 1er temps sur le territoire européen. Cela passe également par la recherche de partenaires pour s’implanter rapidement sur de nombreux territoires, notamment en Asie ou aux Etats-Unis.

Plus globalement, quel est votre regard sur ce marché de la medtech en France ?

Il est vrai qu’il y a eu pas mal de bouleversements avec le nouveau règlement européen du dispositif médical (MDR). En rentrant des Etats-Unis, j’ai redécouvert une approche différente dans le déploiement des dispositifs médicaux et j’ai été surpris par le dynamisme de l’écosystème Français avec de nombreuses start-up innovantes. On voit également qu’il y a une volonté de l’Etat Français mais aussi de l’Europe de promouvoir l’innovation ce qui est très positif même s’il reste des freins comme les aspects réglementaires avec des contraintes importantes notamment pour des petites structures.

Les réglementations sont différentes d’une région à l’autre entre les Etats-Unis, l’Europe ou l’Asie. Ça nous a amené à modifier la stratégie de nos produits, notamment Kalios qui était purement européen et où on s’oriente désormais en priorité vers les Etats-Unis car l’accès au marché y est plus simple pour ce dispositif. C’est le cas de 60% des start-up françaises. Il y a donc une vraie problématique de l’accès au marché en Europe.

La grande différence également entre les marchés américains et européens, c’est l’accès au financement. Par exemple en France, il y a beaucoup de choses qui sont faites au moment de la création d’une entreprise et du lancement de son activité mais  l’accompagnement pour faire grandir ces sociétés et les pérenniser est plus limitée.


Pour en savoir plus sur Affluent Medical : https://www.affluentmedical.com/fr/

Interview réalisée en partenariat avec Affluent Medical 

 

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