Régulièrement, je vous propose de partir à la rencontre d’un acteur ou d’une innovation du digital santé en France. Aujourd’hui partons à la rencontre de Baptiste Roux et de FAST4.
Bonjour Baptiste, peux-tu te présenter brièvement ?
Bonjour Rémy, merci de me recevoir. Je suis pharmacien, ancien interne et surtout entrepreneur. J’ai fondé la société Fast4, puis la plateforme de jeux Medgame.
Tu es fondateur et CEO de Fast4 / Medgame. Peux-tu nous présenter cette start up et ses solutions ?
J’ai créé la société FAST4 au cours de mon internat. Il s’agissait, initialement, d’une société de recherche clinique (Contract Research Organization) atypique basée sur la simulation. Notre métier est d’étudier le suivi des recommandations par l’ensemble des professionnels de santé et de comprendre les leviers et freins à ce suivi afin d’en améliorer l’adhésion. Nous avons développé des jeux mobiles pour faciliter le recueil des données auprès des praticiens. Spontanément, cette activité d’évaluation par le jeu nous a amené à développer par la suite son aspect complémentaire : la formation.
La gamification prend une place croissante dans le monde de la santé notamment au niveau de la formation des professionnels de santé. Pour accompagner la formation initiale des professionnels de santé vous avez développé Medgame. Peux-tu nous parler de cette solution ?
Nous souhaitions aborder l’évaluation des pratiques et la formation avec un regard différent. Tester de nouveaux leviers. Le jeu nous a semblé être une bonne opportunité. Mais les technologies 3D étant bien trop chronophages, nous avons pris le contrepied de la 3D traditionnellement utilisée pour la remplacer par le chatbot gamifié. Une « low-technology » immersive, peu coûteuse, accessible à tous et parfaitement adaptée au mobile puisqu’elle se résume à une messagerie texto entre le joueur et un patient virtuel.
Pour la formation, notre second atout a été de nous positionner sur le micro-learning, c’est-à-dire l’apprentissage sur des temps très courts de quelques minutes. Ceci permet au joueur de se former en attendant son bus, entre deux patients… dès qu’il a quelques instants de libres. Le principe de nos jeux est assez simple : vous discutez avec un patient fictif, vous lui posez des questions afin de prendre des décisions diagnostiques et thérapeutiques. Si vous suivez les recommandations officielles de prise en charge, votre patient est guéri, si vous vous trompez, l’état du patient empire et vous recommencez le jeu jusqu’à trouver la prise en charge médicale adéquate. Ces jeux de formation peuvent être destinés à tous les professionnels de santé, mais à des patients également.
Plus récemment, nous avons initié la mise en place d’une plateforme de jeux de formation destinée aux étudiants en médecine: Medgame. Bien qu’encore embryonnaire, cette plateforme indépendante de l’industrie et en partenariat avec les collèges de médecine, hébergera 100 000 jeux pour la rentrée des étudiants en septembre 2021. Notre objectif : la quantité, la qualité et le fun. La finalité n’est pas le jeu, mais la formation. Nous recherchons l’équilibre parfait entre ces deux aspects.
Le jeu reste un levier dont l’objectif est de permettre la meilleure formation possible. C’est un projet passionnant qui réunit les collèges de médecines, les associations d’étudiants et une équipe d’internes en médecine très motivée. Dans la même logique de formation ludique, nous avons détourné Instagram pour en faire un jeu de formation pour les étudiants en médecine (@medgame_insta).
Dans le monde d’aujourd’hui, le mobile est au cœur des enjeux. On observe notamment l’émergence de jeux mobiles santé à destination des patients ou professionnels de santé. Comment voyez-vous l’avenir des jeux mobiles appliqués au monde de la santé ? Quels sont les avantages ?
Je pense que le serious game en santé a un très bel avenir mais un passé handicapant. Les premiers jeux sérieux sont apparus il y a près d’une décennie, technologiquement immatures et bien trop tôt dans le milieu de la santé, qui à l’époque n’était pas encore prêt à les intégrer. Des jeux aux coûts exorbitants et à l’utilité très limitée ont amené les promoteurs industriels à se détourner de cette solution pourtant fascinante.
De même pour la surexploitation d’une technologie 3D qui, si au cinéma elle peut atteindre une qualité quasi réelle, n’a pas les moyens de telles prétentions dans la formation en santé. Je crois que la première erreur a été de penser que la 3D était la seule solution pour créer des serious game. Elle présente des avantages comme l’immersion, mais aussi des inconvénients tels que sa faible jouabilité sur mobile et son coût énorme de développement. La seconde erreur fut, encore selon moi, de croire qu’utiliser seulement des références visuelles ludiques issus de l’imaginaire du jeu dans une formation médicale en feraient des jeux.
Le cœur du jeu ce sont les règles, les mécaniques, le scénario, et non seulement l’apparence. La 3D est une simple technologie de simulation tout comme le chatbot, ce sont les règles insufflées par le gamedesigner qui en font un jeu. Il y a de nombreuses technologies à utiliser pour développer les serious game en santé. C’est simple, il suffit de puiser dans le milieu du jeu traditionnel, infiniment plus évolué que celui encore très jeune de la santé. C’est ce que nous avons fait avec Fast4 et Medgame. Il y a tellement de possibilités de développements et d’évolutions pour le jeu sérieux en santé. C’est passionnant.
En tant qu’acteur de la e-santé en France, comment vois-tu l’après crise sanitaire et l’impact sur le numérique santé ?
La transition numérique a commencé véritablement il y a seulement quelques années dans la santé. La crise sanitaire que nous traversons, aussi terrible soit-elle, a boosté de manière indéniable cette transition. Nous ne reviendrons pas en arrière. La crise s’est trop inscrite dans le temps et dans nos habitudes. Nous reprendrons heureusement des activité présentielles, nécessaires et complémentaires, et la présence du numérique se fera moins omniprésente qu’actuellement, mais un grand nombre d’acquis resterons.
Pour en savoir plus : www.fast4.fr / www.medgame.com / @medgame_insta